Contentieux de la sécurité sociale : la preuve et le secret médical
Le secret médical face à la production de la preuve : un dilemme tranché par la Cour de cassation aux termes d’un arrêt du 30 janvier 2026.
La caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or (la caisse) a, le 20 octobre 2016, notifié à Mme [B], infirmière d'exercice libéral (la professionnelle de santé), un indu d'un certain montant correspondant à des anomalies dans la facturation d'actes réalisés entre le 1er janvier 2014 et le 11 septembre 2016.
La professionnelle de santé a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
L’intéressée fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une certaine somme au titre de l'indu, alors qu'est illicite, et doit être écartée des débats, une preuve portant atteinte au secret médical .
Mme [Y] [B], a formé le pourvoi n° X 22-15.702 contre l'arrêt rendu le 24 mars 2022 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or.
Réponse de la Cour de cassation :
La Cour de cassation vise l'article L. 1110-4, alinéa 2, du code de la santé publique.
Aux termes de cet article le secret médical couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel, de tout membre du personnel de ces établissements, services ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s'impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé.
La Cour de cassation se réfère à l'arrêt du 22 décembre 2023 (Assemblée plénière, n° 20-20.648, publié), par lequel l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a jugé que dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats.
Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence.
Le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Il en résulte que la production en justice de documents couverts par le secret médical ne peut être justifiée que lorsqu'elle est indispensable à l'exercice des droits de la défense et proportionnée au but poursuivi.
L’arrêt de la cour d’appel retient que la présentation faite dans les tableaux versés aux débats par la caisse doit être suffisamment détaillée et précise pour permettre aux parties de se référer à chacun des patients, sans ambiguïté possible.
Les contrôles administratifs doivent , de plus, nécessairement passer par une analyse nominative des dossiers contrôlés.
La cour d’appel retient encore que l'identité du bénéficiaire des soins permet au professionnel de santé de prendre utilement connaissance des griefs qui lui sont reprochés, en reliant la nature de la prestation de soins fournie avec le patient concerné, de comprendre les éléments de l'indu et de pouvoir, en toute connaissance de cause, formuler ses observations.
La cour d’appel ajoute que ce contrôle pouvant être contesté devant la commission de recours amiable puis devant le tribunal judiciaire, les pièces concernées, nécessaires à l'examen du dossier, doivent être produites afin de permettre au juge d'apprécier le bien-fondé du recours.
De ces constatations et énonciations, faisant ressortir que la production des pièces litigieuses était indispensable à l'exercice du droit à la preuve de la caisse et proportionnée au but poursuivi, la Cour de cassation retient que la cour d'appel, a exactement déduit que ces pièces ne devaient pas être écartées des débats.. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Civ. 2e, 30 janv. 2025, F-B, n° 22-15.702