Responsabilité du maitre d’œuvre face à un déficit de superficie du bien construit
Viole l'article 1147 ancien du code civil une cour d'appel qui rejette une demande d'indemnisation formée contre un architecte en raison d'un déficit de surface du bien construit.
Pourtant le maitre d’œuvre n'avait reçu aucune mission complémentaire de mesurage des existants ou de calcul des superficies "loi Carrez".
Cependant, selon la Cour de cassation aux termes d’un arrêt du 7 novembre 2024, alors qu'un architecte chargé d'une mission complète, qui inclut nécessairement la direction de l'exécution des travaux, est tenu de veiller à une exécution conforme aux prévisions contractuelles et aux plans établis, même en l'absence de mission particulière portant sur le mesurage des surfaces.
En conséquence, le maître de l'ouvrage peut réclamer l'indemnisation d'un manque à gagner résultant de la non-conformité de l'ouvrage aux prévisions contractuelles si celle-ci est imputable à un locateur d'ouvrage.
Les faits sont les suivants :
La société Initiative 2008, aux droits de laquelle vient la société civile de construction vente (la SCCV), a confié à M. [E], architecte, la maîtrise d'œuvre de la construction d'un immeuble.
Le maître de l'ouvrage a assigné le maître d'œuvre en indemnisation du préjudice résultant du déficit de surface d'un des lots, vendu après achèvement.
Examen du moyen concernant le déficit de superficie
Pour rejeter la demande d'indemnisation formée par le maître de l'ouvrage contre l'architecte, l'arrêt de la cour d’appel retient qu'il est établi que la surface du lot n° 18 présente un déficit d'au moins 6,70 m² par rapport à la surface attendue.
L'architecte, qui était chargé d'une mission complète de base de maîtrise d'œuvre allant des études préliminaires à l'assistance à la réception et au dossier des ouvrages exécutés, ne s'était pas vu confier de missions complémentaires dont celles visées au paragraphe G.4.1, soit « les relevés comprenant le mesurage et la représentation graphique de tout ou partie d'un ouvrage existant » et au paragraphe G.4.6, soit « le calcul des superficies » (loi Carrez).
La cour d’appel en déduit que l'architecte, n'étant tenu d'aucune mission de mesurage des ouvrages, ne saurait se voir reprocher un manquement dans l'exercice de ses missions de base
Réponse de la Cour de cassation concernant ce moyen relatif à la superficie
La Cour de cassation vise l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Aux termes de ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Selon la Cour de cassation, en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. [E] était chargé d'une mission complète, laquelle incluait nécessairement la direction de l'exécution des travaux, de sorte que l'architecte était tenu de veiller à une exécution conforme aux prévisions contractuelles et aux plans établis, même en l'absence de mission particulière portant sur le mesurage des surfaces, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
(Civ. 3e, 7 nov. 2024, n° 23-12.315, FS-B)