Contrôle fiscal : portée et limites du recours hiérarchique du contribuable

 

Pour les contribuables faisant l’objet d’une procédure de rectification contradictoire, après la réponse faite par l’administration fiscale à leurs observations (ROC) sur la proposition de rectification, en cas de persistance d’un désaccord entre le contribuable et le vérificateur sur le bien-fondé des rectifications envisagées à ce second moment, le contribuable peut, avant la mise en recouvrement, saisir le supérieur hiérarchique du vérificateur et, le cas échéant, l’interlocuteur départemental de divergences subsistant au sujet du bien-fondé des rectifications envisagées.

 

Toutefois la réponse de ce dernier ne modifie pas la base légale du redressement.

 

Tel est l’objet d’un arrêt du Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 16/11/2022, 462278 qui tranche la question de savoir si l’intervention du supérieur hiérarchique du vérificateur et le cas échéant de l’interlocuteur départemental pouvait effectivement modifier le fondement juridique d’un redressement..

 

Les faits sont les suivants :

 

Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société Ventimo, qui exerce une activité de marchand de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale :

 

-par proposition de rectification contradictoire du 5 juillet 2016 ,

-confirmée par une réponse aux observations du contribuable du 6 octobre suivant,

-a remis en cause la déductibilité de la taxe afférente tant à l'opération de livraison à soi-même qu'aux charges courantes et d'entretien correspondantes.

 

Par un jugement du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis en recouvrement au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 ainsi que des pénalités correspondantes, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande, relatif à la déduction de la taxe ayant grevé les charges courantes.

 

Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre l'article 1er de l'arrêt du 13 janvier 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.

 

La société Ventimo se pourvoit en cassation contre le même arrêt en tant qu'il a, par son article 2, rejeté son appel incident.

 

Position du Conseil d’Etat sur le pourvoi principal:

 

Le Conseil d’Etat vise l'article L. 57 du livre des procédures fiscales aux termes duquel:

"L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée".

 

L'article R. 57-1 du même livre dispose : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57  fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. ».

 

Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'à la suite d'une première proposition de rectification et avant mise en recouvrement, l'administration modifie la base légale des rectifications qu'elle envisage, elle doit, à peine d'irrégularité de la procédure d'imposition, en informer le contribuable par la notification d'une nouvelle proposition de rectification ou, si cette modification intervient dans la réponse à ses observations, en accordant au contribuable un nouveau délai de 30 jours pour lui permettre de formuler ses observations.

 

Le conseil d’Etat rappelle, qu’aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige, avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration.

 

La charte remise au contribuable prévoit qu'en cas de désaccord avec le vérificateur, le contribuable peut saisir l'inspecteur divisionnaire ou principal.

Elle énonce, à cet égard : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal ". Elle énonce ensuite : " Si, après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur ".

 

La possibilité pour le contribuable de s'adresser, dans les conditions précisées par la charte, au supérieur hiérarchique du vérificateur puis, le cas échéant, à l'interlocuteur départemental ou régional constitue une garantie substantielle ouverte à l'intéressé à deux moments distincts de la procédure de rectification :

- en premier lieu, au cours de la vérification et avant l'envoi de la proposition de rectification ou la notification des bases d'imposition d'office pour ce qui a trait aux difficultés affectant le déroulement des opérations de contrôle,

- et, en second lieu, pour les contribuables faisant l'objet d'une procédure de rectification contradictoire, après la réponse faite par l'administration fiscale à leurs observations sur la proposition de rectification en cas de persistance d'un désaccord sur le bien-fondé des rectifications envisagées.

 

A ce second moment, cette garantie consiste pour le contribuable à pouvoir, avant la mise en recouvrement, saisir le supérieur hiérarchique du vérificateur et, le cas échéant, l'interlocuteur départemental, de divergences subsistant au sujet du bien-fondé des rectifications envisagées, et non à poursuivre avec ces derniers un dialogue contradictoire de même nature que celui qui s'est achevé avec la notification de la réponse aux observations du contribuable.

 

Ainsi, lorsque le supérieur hiérarchique ou l'interlocuteur, qui n'y sont pas tenus, formulent par écrit les éclaircissements sollicités par le contribuable, leur réponse n'a pas pour effet, et ne saurait d'ailleurs avoir pour objet, de modifier la base légale des rectifications envisagées par le vérificateur, telle qu'elle résulte, conformément aux articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales, des mentions figurant dans la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable.

 

Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 16/11/2022, 462278

 

 

 

Version imprimable | Plan du site
©Cabinet d'Avocats ASSOUS-LEGRAND - AL AVOCATS - 01.40.47.57.57 - 112, rue de Vaugirard 75006 Paris