Indemnisation des dommages imputables aux vaccinations obligatoires

 

Le Conseil d’État aux termes de plusieurs arrêts du 7 novembre 2024 apporte des précisions sur le lien de causalité entre une vaccination obligatoire et une pathologie.

 

C’est ainsi que pour retenir la responsabilité de l’Etat, la probabilité de l'existence d'un lien de causalité entre l'administration d'un vaccin contenant des adjuvants à base de sels d'aluminium et les symptômes de douleurs musculaires et articulaires, d'asthénie et de troubles cognitifs susceptibles d'être rattachés à la myofasciite à macrophages ne peut, dans le dernier état des connaissances scientifiques, être regardée comme exclue. (Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 07/11/2024, 472707, ).

 

Il y a donc lieu, en examinant, dans les circonstances de l'espèce, si les symptômes sont apparus, postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, ou se sont aggravés à un rythme et une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de l'état de santé antérieur ou des antécédents de l'intéressé et, par ailleurs, s'il ne ressort pas du dossier qu'ils peuvent être regardés comme résultant d'une autre cause que la vaccination litigieuse.

 

Les faits sont les suivants :

 

M. D..., vacciné en 1994 et 1995 contre le virus de l'hépatite B, à titre obligatoire, pendant son service national, a souffert à partir de septembre 1995 de divers troubles qu'il a attribués à cette vaccination, en lien avec une myofasciite à macrophages par ailleurs diagnostiquée en 1997.

 

Il a bénéficié pour ce motif, à partir de 2001, d'une pension militaire d'invalidité. Le ministre de la défense a toutefois rejeté sa demande d'indemnisation des préjudices non réparés par cette pension, par une décision du 17 mars 2015.

 

Par un jugement du 30 mai 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de M. D..., agissant en son nom propre et pour le compte de ses enfants mineurs, tendant à l'indemnisation de ces préjudices sur le fondement de l'article L. 62 du code du service national.

 

Par une décision du 29 septembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Nantes avait rejeté son appel contre ce jugement et renvoyé l'affaire devant la même cour administrative d'appel.

 

L'intéressé, agissant tant en son nom propre qu'en celui de son fils C..., mineur à la date d'introduction du pourvoi, et sa fille, Mme E... D..., désormais majeure, se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 3 février 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, après avoir, en application de l'article R. 625-3, devenu l'article R. 626-3, du code de justice administrative, invité l'Académie nationale de médecine à produire des observations d'ordre général destinées à l'éclairer sur la solution à donner au litige, a de nouveau rejeté son appel contre le jugement de première instance.

 

Sur le pourvoi en cassation de M. D... et autres :

 

Le Conseil d’Etat relève que, saisi d'un litige individuel portant sur la réparation des conséquences pour la personne concernée d'une vaccination présentant un caractère obligatoire, il appartient aux juges du fond, dans un premier temps, non pas de rechercher si le lien de causalité entre la vaccination et l'affection présentée est ou non établi, mais de s'assurer, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant eux, qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe.

 

Il leur appartient ensuite, soit, s'il ressort de cet examen qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe, de rejeter la demande, soit, dans l'hypothèse inverse, de procéder à l'examen des circonstances de l'espèce et de ne retenir alors l'existence d'un lien de causalité entre la vaccination obligatoire subie par la victime et les symptômes qu'elle a ressentis que si ceux-ci sont apparus, postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, ou se sont aggravés à un rythme et une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de son état de santé antérieur ou de ses antécédents et, par ailleurs, qu'il ne ressort pas du dossier qu'ils peuvent être regardés comme résultant d'une autre cause que la vaccination.

 

Il résulte de l'ensemble des éléments relevés par l'arrêt de la cour d’appel administrative de NANTES attaqué ainsi que des autres pièces du dossier soumis aux juges du fond que si aucun lien de causalité n'a pu être établi à ce jour entre l'administration de vaccins en question chez les patients concernés, autour du site d'injection, l'hypothèse qu'un tel lien existe a été envisagée par des travaux de recherche scientifique ayant donné lieu à des publications dans des revues reconnues, qui ne sont pas formellement démentis par les données actuelles de la science, notamment pas par les observations d'ordre général de l'Académie nationale de médecine, qui se bornent à faire la synthèse de travaux déjà connus, sans s'appuyer sur des travaux de recherche ou une méthodologie d'analyse nouveaux, et qui ne concluent, au demeurant, qu'à l'absence de démonstration de l'existence d'un lien entre le vaccin contenant des adjuvants aluminiques et symptômes déjà mentionnés.

 

Dès lors, en jugeant qu'au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant elle, il n'y avait aucune probabilité qu'existe un lien entre ces symptômes et la vaccination contre l'hépatite B, la cour administrative d'appel de Nantes a inexactement qualifié les faits de la cause.
 

En effet, il résulte de l'instruction, notamment des documents médicaux produits au dossier, que M. D..., qui a reçu, les 3 mai, 29 juin, 22 août 1994 et le 8 février 1995 des injections du vaccin contre l'hépatite B, contenant des adjuvants à base de sels d'aluminium, a ressenti à partir de septembre 1995 des troubles consistant en des douleurs musculaires, et un état d'essoufflement et de fatigue généralisée, qui se sont aggravés et ont conduit à plusieurs hospitalisations à partir de décembre 1995, et auxquels se sont ajoutés des troubles cognitifs.

 

Une biopsie réalisée en mars 2017 a mis en évidence des lésions de myofasciite à macrophages autour des sites d'injection.

 

Le délai d'apparition des symptômes, inférieur à un an, peut être considéré comme normal pour une affection liée à la myofasciite à macrophages et se caractérisant par les symptômes manifestés.

 

Contrairement à ce que soutient le ministre de la défense et des armées, il ne résulte pas de l'instruction qu'une autre cause que les vaccinations reçues par l'intéressé puisse être retenue pour expliquer ces symptômes.

 

Il en résulte que, dans les circonstances de l'espèce, le lien de causalité entre la vaccination contre l'hépatite B reçue par M. D... dans le cadre de son service national et les symptômes dont il est atteint doit être regardé comme établi et que, dès lors, l'intéressé est fondé à soutenir que la responsabilité de l'Etat est engagée au titre des dispositions de l'article L. 62 du code du service national.

 

Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 07/11/2024, 472707, Publié au recueil Lebon

 

 

 

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