Rupture du contrat de travail : quid de la valeur juridique du solde de tout compte non signé ?
Il résulte des articles L. 1234-20 et L. 1471-1 du code du travail que le solde de tout compte non signé par le salarié n'a pas valeur de preuve du paiement des sommes qui y sont mentionnées et n'a
aucun effet sur le délai de prescription, lequel ne court pas et n'est suspendu qu'en cas d'impossibilité d'agir à la suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force
majeure.
La Cour de cassation rappelle ces principes aux termes d’un arrêt du 16 novembre 2024.
Les faits sont les suivants :
M. [H] a été engagé en qualité d'ajusteur mécanicien machine, le 27 décembre 1981, par la société Renault (la société).
Licencié pour motif disciplinaire par lettre du 11 avril 2013, avec dispense d'exécution de son préavis de deux mois, il a saisi la juridiction prud'homale le 7 décembre 2017 de demandes en paiement de diverses sommes au titre du solde de tout compte et de dommages-intérêts pour préjudices financier et moral ainsi que pour exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur.
La société fait grief à l'arrêt de la cour d’appel de déclarer recevable l'action du salarié aux fins de remise des documents de fin de contrat et en paiement de sommes figurant au solde de tout compte, de la condamner à lui délivrer un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et à lui verser des sommes à titre d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
La société Renault, a formé le pourvoi n° J 21-22.540 contre l'arrêt rendu le 15 juillet 2021 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [L] [H], défendeur à la cassation.
Réponse de la Cour de cassation :
La Cour de cassation vise les articles L. 1234-20 et L. 1471-1 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et l'article 21 V. de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :
Selon le premier de ces textes, le solde de tout compte fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail. Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature par le salarié, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.
Aux termes du deuxième texte, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
Il résulte de ces dispositions que le solde de tout compte non signé par le salarié, qui n'a pas valeur de preuve du paiement des sommes qui y sont mentionnées,
Ce solde de tout compte n'a aucun effet sur le délai de prescription qui ne court pas ou n'est suspendu qu'en cas d'impossibilité d'agir à la suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
La Cour de cassation rappelle que pour déclarer recevable l'action du salarié aux fins de remise des documents de fin de contrat, en paiement des sommes mentionnées sur le solde de tout compte et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt de la cour d’appel retient que le solde de tout compte que le salarié n'a jamais signé en raison de son incarcération du 25 juin 2013 au 22 juin 2017, n'a produit aucun effet libératoire et qu'aucune prescription n'a commencé à courir.
Cependant la Cour de cassation retient qu’en statuant ainsi, alors que la cour d’appel constatait que la prescription de 2 ans de l'article L. 1471-1 du code du travail s'était appliquée à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 13 juin 2016 et que le salarié avait jusqu'au 16 juin 2015 pour engager toute action portant sur l'exécution et la rupture du contrat de travail, sans caractériser une cause d'interruption ou de suspension du délai de prescription, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Par ces motifs, la Cour de cassation casse et annule, sauf en ce qu'il rejette les demandes de dommages-intérêts présentées par M. [H] au titre du préjudice moral et du préjudice financier et en ce qu'il rejette sa demande en fixation de la moyenne mensuelle des salaires, par la cour d'appel d'Angers
Soc. 16 nov. 2024, F-B, n° 21-22.540