Délégation de service public : le coût de la rupture anticipée

 

Il résulte de l’article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) qu’une convention de délégation de service public (DSP) peut légalement prévoir le versement par le délégataire de redevances ou de droits d’entrée à la condition que ces sommes, que la convention doit justifier, ne soient pas étrangères à l’objet de la délégation.

 

Lorsque la convention de DSP prévoit que ces sommes correspondent à la mise à disposition de biens, évalués nécessairement à la valeur nette comptable, et qu’elle est résiliée par la collectivité délégante avant son terme normal, le délégataire a droit, sauf si le contrat en stipule autrement, à l’indemnisation par la collectivité délégante de la part non amortie de telles sommes correspondant, à la date de la résiliation, à la valeur nette comptable des biens ainsi mis à disposition, si ces biens font retour à la collectivité ou sont repris par celle-ci.

 

Le Conseil d’Etat rappelle ces principes aux termes d’un arrêt du 31 octobre 2024 ;

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Les faits et procédures sont les suivants :

 

Le 4 janvier 1996, la commune de Fontainebleau a conclu pour une durée de vingt-cinq ans avec la société auxiliaire de parcs de la région parisienne (SAPP):

 

- d'une part, un contrat d'affermage avec travaux portant sur la modernisation, la rénovation, l'exploitation et l'entretien de parcs de stationnement souterrains et sur voirie,

- et, d'autre part, un contrat lui confiant la gestion du stationnement payant sur voirie.

 

Le maire de Fontainebleau a notifié à la société SAPP, par une décision du 25 juillet 2012, la résiliation de ces contrats.

 

Par un jugement du 15 juin 2018, le tribunal administratif de Melun, saisi d'un recours de la société SAPP tendant à la reprise des relations contractuelles, a jugé que la durée excessive de ces contrats, seul motif retenu par la commune, ne pouvait légalement justifier leur résiliation, mais a rejeté ce recours, au motif que la reprise des relations contractuelles aurait porté une atteinte excessive aux droits du nouveau délégataire.

 

Par un jugement avant dire droit du même jour, le tribunal, saisi d'un recours indemnitaire de la société SAPP, a jugé que la société était fondée à demander réparation des préjudices subis résultant de la résiliation illégale des contrats et a prescrit une expertise portant sur leur évaluation.

 

Par un jugement du 28 juillet 2020, le tribunal administratif de Melun a, à la suite du dépôt de son rapport par l'expert le 9 octobre 2019 :

 

-condamné la commune de Fontainebleau à verser à la société SAPP les sommes au titre de la valeur nette comptable des investissements non amortis à la date de prise d'effet de la résiliation, et au titre du manque à gagner pour la période allant de la résiliation des contrats à leur date normale d'échéance, avec intérêts au taux légal capitalisés,

- mis les frais de l'expertise à la charge de la commune de Fontainebleau,

- et a rejeté le surplus des conclusions de la société SAPP.

 

Par un arrêt du 4 juillet 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la commune contre le jugement avant dire droit du 15 juin 2018 et contre le jugement du 28 juillet 2020, ainsi que l'appel incident formé par la société SAPP tendant à la réformation de ce dernier.

 

Le conseil d’Etat rappelle les termes des dispositions de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales, selon lesquelles : " Les conventions de délégation de service public doivent être limitées dans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées au délégataire. Lorsque les installations sont à la charge du délégataire, la convention de délégation tient compte, pour la détermination de sa durée, de la nature et du montant de l'investissement à réaliser et ne peut dans ce cas dépasser la durée normale d'amortissement des installations mises en œuvre (.../ Les conventions de délégation de service public ne peuvent contenir de clauses par lesquelles le délégataire prend à sa charge l'exécution de services ou de paiements étrangers à l'objet de la délégation. / Les montants et les modes de calcul des droits d'entrée et des redevances versées par le délégataire à la collectivité délégante doivent être justifiés dans ces conventions (...) ".

 

Le Conseil d’Etat retient par ailleurs qu’il résulte des dispositions citées qu'une convention de délégation de service public peut légalement prévoir le versement par le délégataire de redevances ou de droits d'entrée à la condition que ces sommes, que la convention doit justifier, ne soient pas étrangères à l'objet de la délégation.

 

Lorsque la convention de délégation de service public prévoit que ces sommes correspondent à la mise à disposition de biens, évalués nécessairement à la valeur nette comptable, et qu'elle est résiliée par la collectivité délégante avant son terme normal, le délégataire a droit, sauf si le contrat en stipule autrement, à l'indemnisation par la collectivité délégante de la part non amortie de telles sommes correspondant, à la date de la résiliation, à la valeur nette comptable des biens ainsi mis à disposition, si ces biens font retour à la collectivité ou sont repris par celle-ci.

 

Selon le Conseil d’Etat, il résulte des mêmes dispositions que la durée normale d'amortissement des installations susceptible d'être retenue par une collectivité délégante peut être la durée normalement attendue pour que le délégataire puisse couvrir ses charges d'exploitation et d'investissement, compte tenu des contraintes d'exploitation liées à la nature du service et des exigences du délégant, ainsi que de la prévision des tarifs payés par les usagers, que cette durée coïncide ou non avec la durée de l'amortissement comptable des investissements.

 

En jugeant, par une appréciation souveraine, que les stipulations du contrat d’affermage mettaient à la charge de la société SAPP une somme qui constituait, la contrepartie de la mise à disposition de biens, pour en déduire que cette somme devait être regardée comme une dépense d'investissement pour le délégataire, prise en compte pour évaluer la durée nécessaire pour qu'il puisse couvrir ses charges, et que la société SAPP était, par suite, fondée à demander à être indemnisée de la part non amortie de cette somme à la date d'effet de la résiliation, la cour administrative d'appel de Paris, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits de l'espèce.

 

Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 31/10/2024, 487995

 

 

 

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