Délai de prescription en matière de vice caché dans le cadre des actions récursoires
Un arrêt de la Cour de cassation du 28 mai 2025 précise le point de départ du recours en garantie des vices cachés dans le cadre des actions récursoires introduites entre entrepreneurs et fournisseurs.
L'action en garantie des vices cachés exercée à l'encontre du fournisseur ou de l'assureur de celui-ci par l'entreprise ou son assureur, tend à faire supporter par les premiers la dette de réparation du constructeur à l'égard du maître de l'ouvrage.
Il en résulte que le délai de prescription de cette action ne court pas à compter de la connaissance du vice par le constructeur mais à compter de l'assignation en responsabilité qui lui a été délivrée, ou, à défaut, à compter de l'exécution de son obligation à réparation.(Civ. 3e, 28 mai 2025, n° 23-18.781, FS-B)
Faits et procédure :
Procédant à la réhabilitation de plusieurs logements, l'OPH Alcéane a confié la réalisation du lot bardage à la société Cobeima, assurée auprès de la SMABTP.
La société Cobeima s'est approvisionnée en chevrons de bois auprès de la société Bois et matériaux, assurée auprès de la société Zurich Insurance Public Limited Company (la société Zurich).
Une assurance dommages-ouvrage a été souscrite auprès de la SMABTP.
Constatant, après réception, l'instabilité de plusieurs panneaux de bardage, l'OPH Alcéane a déclaré le sinistre à la SMABTP.
Se prévalant du défaut de traitement des chevrons, la société Cobeima et la SMABTP, ont assigné, le fournisseur, la société Bois et matériaux et son assureur Zurich par actes des 20 et 25 mai 2020 sur le fondement de la garantie des vices cachés après le dépôt du rapport d'expertise.
Les sociétés Bois et matériaux et Zurich ont notamment opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription.
La SMABTP, assureur de la société Cobeima, fait grief à l'arrêt de la cour d’appel de déclarer forcloses ses demandes formées contre les sociétés Bois et matériaux et Zurich sur le fondement de la garantie des vices cachés.
La société Cobeima, et la SMABTP, son assureur, ont formé le pourvoi n° Q 23-18.781 contre l'arrêt rendu le 24 mai 2023 par la cour d'appel de Rouen (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Bois et matériaux,
2°/ à la societé Zurich Insurance Public Limited Company, son assureur,
Réponse de la Cour de cassation
La Cour de cassation vise l'article 1648, alinéa 1er, du code civil .
Aux termes de ce texte, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
Il est jugé, en matière d'action récursoire, que la prescription applicable au recours d'une personne assignée en responsabilité contre un tiers qu'il estime coauteur du même dommage a pour point de départ l'assignation qui lui a été délivrée, même en référé, si elle est accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit (Ch. mixte., 19 juillet 2024, pourvoi n° 22-18.729, publié).
Tel est le cas du recours d'un constructeur, assigné en responsabilité par le maître de l'ouvrage, contre un autre constructeur ou son sous-traitant (3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.305, publié).
De même, la prescription biennale de l'action récursoire en garantie des vices cachés court à compter de l'assignation (Ch. mixte, 21 juillet 2023, pourvois n° 20-10.763 ; n° 21-19.936, publiés).
Il en résulte que le délai de prescription de cette action ne court pas à compter de la connaissance du vice par le constructeur mais à compter de l'assignation en responsabilité qui lui a été délivrée, ou, à défaut, à compter de l'exécution de son obligation à réparation.
Pour déclarer irrecevable la demande de la SMABTP, assureur de responsabilité de la société Cobeima, la cour d’appel retient que cet assureur, n'exerce pas une action récursoire après avoir été assigné, de sorte que, le délai biennal de l'article 1648 du code civil courant à compter de la découverte du vice par l'entreprise, soit en l'espèce, le 25 juillet 2017, date des conclusions de l'expert amiable, l'action en garantie des vices cachés ayant été introduite en mai 2020 est tardive.
En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Par ces motifs, la Cour de cassation casse et annule, l'arrêt rendu le 24 mai 2023, par la cour d'appel de Rouen, mais seulement en ce qu'il déclare forcloses les demandes formées par la SMABTP contre les sociétés Bois et matériaux et Zurich Insurance Public Limited Company sur le fondement du vice caché et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
(Civ. 3e, 28 mai 2025, n° 23-18.781, FS-B)