Conseiller en gestion de patrimoine : étendue de l’obligation d'information 

 

Il résulte de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, que le conseiller en gestion de patrimoine est tenu, à l'égard de l'investisseur, d'une obligation d'information sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, de l'opération proposée, ainsi que sur les risques qui lui sont associés.

Ce principe fait l’objet d’un arrêt rendu par la Cour de cassation le 30 avril dernier.

 

 

Les Faits sont les suivants :

 

Les 30 juin 2009 et 2010, M. [I] a apporté à des sociétés en participation, créées au sein de deux programmes de défiscalisation des fonds destinés à l'acquisition de centrales photovoltaïques, leur installation et leur location à des sociétés d'exploitation.

 

Ces 2 programmes de défiscalisation ont été conçus respectivement par les sociétés DOM-TOM défiscalisation (la société DTD) et la société Hedios.

 

Puis M. [I] a imputé sur le montant de son impôt sur le revenu des années 2009 et 2010, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, des réductions d'impôt du fait de ces investissements.

 

L'administration fiscale ayant remis en cause les réductions d'impôt escomptées de ces opérations, M. [I], soutenant notamment que la société Hedios avait manqué à son obligation de lui fournir un investissement lui permettant d'obtenir l'avantage fiscal prévu à l'article 199 undecies B du code général des impôts, l'a assignée, laquelle a appelé en intervention forcée ses assureurs, les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles, venant aux droits de la société Covéa Risks (les sociétés MMA), en réparation de ses préjudices financier et moral.

 

M. [I] fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la société Hedios à la somme de 19 140 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel s'agissant de la souscription au produit GSH.

 

- M. [I], a formé un pourvoi n° A 23-23.253 contre l’ arrêt N° RG 20/03404 rendu le 11 septembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société MMA Iard assurances mutuelles, venant aux droits de Covéa Risks,

2°/ à la société Hedios patrimoine,

3°/ à la société MMA Iard, venant aux droits de Covéa Risks, défenderesses à la cassation.

 

La société Hedios fait grief à l'arrêt de la cour d’appel de rejeter sa demande en garantie formée à l'encontre des sociétés MMA.

 

La Société Hedios, a formé un pourvoi H 24-11.717 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [I],

2°/ à la société MMA Iard,

3°/ à la société MMA Iard assurances mutuelles,

défendeurs à la cassation.

En raison de leur connexité, les pourvois n° A 23-23.253 et H 24-11.717 sont joints

 

Concernant le pourvoi de M. [I] à l’encontre de la société Hedios

 

M. [I] fait valoir que si le paiement de l'impôt légalement dû ne constitue en principe pas un préjudice indemnisable, il en va différemment lorsque le contribuable établit qu'il aurait pu bénéficier d'une réduction d'imposition s'il avait été mieux conseillé

 

Réponse de la Cour de cassation concernant ce moyen

 

Le paiement de l'impôt mis à la charge d'un contribuable à la suite d'une rectification fiscale lui refusant le bénéfice de la réduction d'impôt escomptée d'une opération de défiscalisation ne constitue pas un dommage indemnisable, sauf s'il est établi que sans la faute des personnes en charge de cette opération dont la responsabilité est recherchée, ce contribuable n'aurait pas été exposé au paiement de l'impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre.

 

Ayant écarté la faute de la société Hedios dans l'exécution de son obligation de conseil en sa qualité de commercialisateur et retenu la faute de cette société, en sa qualité de monteur de l'opération, pour avoir délivré une attestation fiscale erronée, la cour d'appel n'avait pas à effectuer la recherche inopérante invoquée par le grief.

 

Le moyen n'est pas fondé.

 

Concernant l’appel en garantie de la société HEDIOS à l’encontre de ses assureurs

 

La Cour de cassation fait état de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis .

 

Pour rejeter la demande en garantie formée par la société Hedios à l'encontre des sociétés MMA, l'arrêt de la cour d’appel retient que l'activité de monteur d'une opération de défiscalisation ne constitue pas une activité d'ingénierie financière, telle que mentionnée dans la liste des activités assurées et que le contrat précise que ne sont assurées que les activités qui se rattachent à une activité de conseil en investissements financiers.

 

En statuant ainsi, alors que la clause dressant la liste des activités assurées visait l'activité d'ingénierie financière, que celle stipulant les primes d'assurance dues et celle précisant la franchise applicable à la responsabilité civile professionnelle mentionnaient les opérations industrielles et immobilières de défiscalisation dans les DOM-TOM, de sorte que l'activité d'ingénierie financière assurée comprenait l'activité de montage d'opération de défiscalisation, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis du contrat d'assurance, a violé le principe susvisé.

 

Sur le moyen, formé par M. [I] portant sur le produit Dom-Tom-Defiscalisation (DTD )

 

M. [I] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement formée à l'encontre de la société Hedios Patrimoine au titre de la commercialisation par celle-ci des montages faits par la société Dom-Tom Défiscalisation,

 

M. [I] fait valoir « que le conseiller en gestion de patrimoine est tenu à l'égard de son potentiel client d'une obligation d'information sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, du produit qu'il lui propose ; que le conseil en gestion de patrimoine doit présenter à ses clients des informations leur permettant de comprendre raisonnablement la nature des services d'investissement qui leur sont proposés, ainsi que des risques afférents .

 

Pour dire que la société Hédios Patrimoine justifiait s'être acquittée de son obligation d'information à l'égard de M. [I], la cour d'appel a retenu que préalablement à la souscription, ce dernier « a rempli un questionnaire, aux termes duquel il déclarait avoir une expérience suffisante et une connaissance approfondie de toutes les problématiques d'investissement » et a considéré que « les documents présentés, émanant de la société DTD, monteur de l'opération, donnaient une information sur les différentes phases, sur les mécanismes de l'opération, sur les contraintes et conditions d'obtention de la réduction d'impôt et qu'il est acquis que M. [I] a souhaité défiscaliser avec en contrepartie un risque de perte.»

 

Réponse de la Cour de cassation

 

La Cour de cassation vise l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 .

 

Pour rejeter toute responsabilité de la société Hedios au titre de la commercialisation du produit DTD, l'arrêt de la cour d’appel relève qu'en dépit d'une présentation flatteuse, l'ensemble des documents énoncent les caractéristiques du produit, son montage en son principe, les différentes phases de l'opération projetée mais aussi les risques de redressement fiscal dans les chapitres dédiés présentés comme le corollaire de l'avantage offert.

 

La Cour de cassation estime cette information insuffisante et retient qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que les informations fournies faisaient clairement et complètement état des risques des opérations de défiscalisation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

 

la Cour de cassation casse et annule, l'arrêt rendu le 11 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement formée par M. [I] à l'encontre de la société Hedios patrimoine au titre de la commercialisation par celle-ci des montages faits par la société Dom-Tom défiscalisation, les demandes en paiement formées à l'encontre des sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles, venant aux droits de la société Covéa Risks s'agissant des produits DTD et GSH, et à la demande de garantie formée par la société Hedios patrimoine au titre du montage par la société Hedios patrimoine du produit GSH.

 

Com. 30 avr. 2025, F-B, n° 23-23.253

 

 

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