CONTRAT DE TRAVAIL : Application au salarié transféré des avantages collectifs dans l'entreprise d'accueil
La Cour de cassation confirme, aux termes de deux arrêts du 22 mai 2024, que l'employeur ne peut refuser aux salariés transférés le bénéfice, dans l'entreprise d'accueil, des avantages collectifs, qu'ils soient instaurés par voie d'accords collectifs, d'usages ou d'un engagement unilatéral de l'employeur, au motif que ces salariés tiennent des droits d'un usage ou d'un engagement unilatéral en vigueur dans leur entreprise d'origine au jour du transfert ou des avantages individuels acquis en cas de mise en cause d'un accord collectif.
M. [K] a été engagé en qualité d'ingénieur par la société Alcatel, devenue, après sa fusion avec la société Lucent technologies, la société Alcatel-Lucent France.
Le 31 décembre 2013, cette société a été absorbée par la société Alcatel-Lucent International, aux droits de laquelle vient la société Nokia Networks France.
Le 28 juin 2016, le salarié fait une demande en paiement d'un rappel de bonus « Corporate » au titre de l'année 2014, d'une contestation des conditions du transfert de son contrat de travail et de demandes en paiement de sommes diverses pour licenciement nul.
La cour d’appel, pour refuser aux salariés transférés à la société d’accueil Alcatel-Lucent International, le bénéfice du taux de 12,5 % dont profitent les salariés de la société d’accueil effectuant un travail de valeur égal a énoncé que ces salariés, en provenance d'entreprises différentes, bénéficient de bonus ayant une origine différente.
La cour d’appel ajoute que le nouvel employeur est légalement tenu de maintenir au bénéfice des salariés transférés les droits qu'ils tiennent de leur contrat de travail ou des usages en vigueur au jour du transfert, cette obligation justifiant la différence de traitement qui en résulte entre les salariés en raison de leur provenance d'entreprises différentes.
La cour d’appel observe que l'article L. 2261-14 du code du travail accorde un délai maximum de quinze mois à l'entreprise dans le cas de transfert de salariés en provenance d'une autre entreprise, pour lui permettre de négocier avec les partenaires sociaux des accords de substitution ayant vocation à définir le cadre juridique applicable pour chacun des salariés transférés .
M. [O] [K], a formé le pourvoi n° S 22-14.984 contre l'arrêt rendu le 30 septembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre).
Réponse de la Cour de cassation :
La Cour de cassation vise l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article L. 1224-1 du code du travail .
Aux termes du premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Aux termes du second de ces textes, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.
En se déterminant comme elle l’a fait la cour d’appel, sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si les conditions dans lesquelles la société d’accueil Alcatel-Lucent International avait décidé de verser, à compter du 1er janvier 2014, aux salariés de son entreprise, un bonus calculé selon un mode prédéterminé ne caractérisaient pas de sa part un engagement unilatéral, de sorte que le salarié dont le contrat de travail était transféré pouvait prétendre, au bénéfice de cet avantage collectif dans les conditions fixées par cet engagement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Par ces motifs, la Cour de cassation casse et annule, en ce qu'il limite les condamnations à paiement, au profit de M. [K], de la société Alcatel-Lucent International, aux droits de laquelle vient la société d’accueil Nokia Networks France, au titre du rappel de bonus pour l'année 2014 et au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 30 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles .
Soc. 22 mai 2024, FS-B, n° 22-14.984
Soc. 22 mai 2024, FS-B, n° 23-10.214