Dommages-ouvrage : obligation de procéder aux réparations par l’acquéreur
La cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), par arrêt rendu 12 septembre 2019 constate que l'acquéreur d’un bien immobilier s'est vu consentir une réduction du prix de vente au moins équivalente à l'indemnité versée aux vendeurs par l'assureur de dommages-ouvrage.
Aux termes de l'acte de vente, le vendeur a déclaré que l'assureur lui avait versé l'indemnité mais ne pas avoir fait exécuter les travaux, qui restaient à la charge de l'acquéreur, ce que celui-ci acceptait expressément.
La cour d’appel a pu en déduire que l'acquéreur a acquis la qualité d'accipiens à l'égard de l'assureur de dommages-ouvrage, de sorte qu'il doit lui restituer les indemnités non affectées à la réparation de l'ouvrage.
Telle est la position de la Cour de cassation en date du 13 avril 2023.
Les faits sont les suivants :
La société civile immobilière (la SCI) a fait construire une maison d'habitation qu'elle a vendue en l'état futur d'achèvement à M. et Mme [D], (1er acquéreur).
Elle a souscrit un contrat d'assurance de dommages à l'ouvrage auprès de la société MMA IARD.
Se plaignant de désordres affectant un mur de soutènement, M. et Mme [D] ont assigné la société MMA IARD, qui a été condamnée à leur payer une provision à valoir sur le coût des travaux de reprise.
M. et Mme [D] ont vendu la maison à M. [E] (2ème acquéreur).
La société MMA IARD a assigné M. [E] (2ème acquéreur) aux fins de remboursement d'une partie des sommes qu'elle avait versée à M. et Mme [D] (1er acquéreur) et qui n'avait pas été affectée aux travaux de réparation.
M. [E] (2ème acquéreur) fait grief à l'arrêt de la cour d’appel d'Aix-en-Provence, en date du 12 septembre 2019 de le condamner à rembourser la somme de 136 633 euros à la société MMA IARD, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 15 novembre 2011, alors:
- que l'action en répétition de l'indu ne peut être engagée que contre celui qui a reçu le paiement ou pour le compte duquel le paiement a été reçu ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1376 devenu 1302-1 du code civil ;
- que la transmission du bénéfice de l'assurance dommages-ouvrage au nouvel acquéreur du bien immobilier n'emporte pas cession des éventuelles créances détenues par l'assureur contre le maître d'ouvrage initial au nouveau maître de l'ouvrage, sauf à ce que le contrat de vente ait expressément prévu le transfert de l'indemnité d'assurance à l'acquéreur ;
- qu'en l'espèce, le contrat de vente du 28 mai 2009 ne prévoyait aucun transfert de l'indemnité à M. [E]( 2ème acquéreur) ;
-que M. [E], (2ème acquéreur) devenu bénéficiaire de l'assurance dommages-ouvrage en sa qualité d'acquéreur de l'immeuble assuré, n'était donc pas devenu débiteur de l'assureur; qu'en déduisant la qualité d'accipiens de M. [E] à l'égard de la société MMA du seul transfert de la qualité de bénéficiaire de l'assurance dommages-ouvrage, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code des assurances ;
- que les conventions n'ayant d'effet qu'entre les parties contractantes, un tiers ne peut être lié par un contrat ni davantage s'en prévaloir, sauf à pouvoir invoquer une inexécution dommageable pour lui-même ; qu'en l'espèce, l'acte de vente du 28 mai 2009 ayant prévu une réfaction du prix à charge pour M. [E] de réaliser les travaux du mur de soutènement ne concernait que les époux [D] et M. [E] en leurs qualités respectives de vendeurs et d'acquéreur, à l'exclusion de la compagnie MMA, tiers au contrat de vente ;
-que dès lors, en retenant que l'assureur était « en droit d'agir en répétition contre l'acquéreur de l'immeuble, (...) seul bénéficiaire de l'assurance dommages-ouvrage » la cour d'appel a violé l'article 1165 devenu 1199 du code civil. »
Réponse de la Cour de cassation concernant ce moyen:
La Cour de cassation retient que la cour d'appel a constaté que l'acquéreur s'était vu consentir une réduction du prix de vente au moins équivalente à l'indemnité versée aux vendeurs par l'assureur de dommages-ouvrage et qu'aux termes de l'acte de vente, le vendeur avait déclaré que l'assureur lui avait versé la somme de 175 000 euros mais ne pas avoir fait exécuter les travaux, qui restaient à la charge de l'acquéreur, ce que celui-ci acceptait expressément.
La cour d’appel a, ainsi, fait ressortir que, selon la convention des parties à l'acte de vente, l'indemnité d'assurance avait été transférée à l'acquéreur, qui devait effectuer les travaux pour laquelle elle avait été versée.
Selon la Cour de cassation, les tiers pouvant invoquer à leur profit comme constituant un fait juridique la situation créée par un contrat auquel ils ne sont pas
parties, la cour d'appel a pu en déduire que M. [E] (2ème acquéreur) avait acquis la qualité d'accipiens à l'égard de l'assureur, de sorte qu'il devait lui restituer les indemnités non affectées à la
réparation de l'ouvrage.
Le moyen développé par M. [E] (2ème acquéreur) n'est donc pas fondé.
Cass. 3e civ., 13 avr. 2023, 19-24.060, n° 269 B
AL AVOCATS / ASSOUS-LEGRAND