Portée de l’obligation de délivrance du bailleur et clause de non-recours
Selon les articles 1719 et 1720 du code civil le bailleur est obligé, par la nature du contrat :
-de délivrer au preneur la chose louée, en bon état de réparations de toute espèce,
-d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée,
-d'y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives,
-et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.
Selon la Cour de cassation au termes d’un arrêt du 10 février 2025, une clause de non-recours, qui n'a pas pour objet de mettre à la charge du preneur certains travaux d'entretien ou de réparation, n'a pas pour effet d'exonérer le bailleur de son obligation de délivrance.( Civ. 3e, 10 avr. 2025, n° 23-14.974, FS-B)
Les faits sont les suivants :
La société DoubleTrade, (la locataire), locataire de locaux à usage de bureaux appartenant à la société CNP assurances (la bailleresse), a assigné cette dernière en 2009, en référé aux fins d'expertise sur des désordres affectant ces locaux, invoquant notamment de nombreuses infiltrations d'eau.
Un expert a été désigné par ordonnance du 10 septembre 2009 et le 12 mars 2010.
La locataire a signifié un congé pour le 14 septembre 2010.
Le 19 octobre 2011, la bailleresse a assigné la locataire en paiement de loyers et charges impayés, d'une clause pénale, du coût de réparations locatives et de dommages-intérêts.
Après dépôt, le 31 octobre 2015, de son rapport par l'expert commis en référé, la bailleresse a mis en cause son assureur, la société Allianz IARD.
La locataire a demandé, à titre reconventionnel, le remboursement d'une partie des loyers et charges et l'indemnisation des préjudices nés d'un manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance.
La locataire fait grief à l'arrêt de la cour d’appel de rejeter ses demandes en paiement à l'encontre de la bailleresse et, en conséquence, de dire que l'appel en garantie de la bailleresse à l'encontre de son assureur est sans objet.
La société DoubleTrade, société par actions simplifiée, anciennement dénommée Reed Business Information puis Intescia, a formé le pourvoi n° B 23-14.974 contre l'arrêt rendu le 23 février 2023 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Allianz IARD,
2°/ à la société CNP assurances,
défenderesses à la cassation.
Réponse de la Cour de cassation
La Cour de cassation vise les articles 1719 et 1720 du code civil .
Selon ces textes, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, de délivrer au preneur la chose louée, en bon état de réparations de toute espèce, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, d'y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives, et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.
Une clause de non-recours, qui n'a pas pour objet de mettre à la charge du preneur certains travaux d'entretien ou de réparation, n'a pas pour effet d'exonérer le bailleur de son obligation de délivrance.
Pour rejeter les demandes indemnitaires de la locataire, l'arrêt de la cour d’appel retient que la clause du bail par laquelle la locataire a renoncé à tous recours pour les dégâts causés dans les locaux loués aux objets mobiliers, marchandises ou matériels quelle qu'en soit l'origine, du fait de la privation de jouissance ou de troubles de jouissance des lieux loués, prive celle-ci de toute demande d'indemnisation sur le fondement du manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance, y compris celle au titre de l'indemnisation du surcoût du loyer.
La Cour de cassation retient qu’en statuant ainsi, alors qu'elle était saisie de demandes indemnitaires fondées sur un manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Par ces motifs, la Cour de cassation casse et annule, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de la société DoubleTrade, en ce qu'il dit que l'appel en garantie de la société CNP assurances à l'encontre de la société Allianz IARD est sans objet, en ce qu'il condamne la société DoubleTrade à payer à la société CNP assurances le montant de la clause pénale, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 23 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Civ. 3e, 10 avr. 2025, n° 23-14.974, FS-B)