Le caractère apparent d'un vice de construction s'apprécie au regard du maître de l'ouvrage et non pas du technicien assistant celui-ci

 

La Cour de cassation, aux termes d’un arrêt du 1er mars 2023, retient qu’il ne peut pas être reproché au maître d'ouvrage de s'être fié aux affirmations de la société technicienne concernant la levée de toutes les réserves et de ne pas s'être aperçu par lui-même que les réserves, mentionnées comme ayant été levées, ne l'avaient pas été.

 

 

Faits et procédure

 

Par contrat du 29 avril 2011, la société Enfinity PV5 a confié à la société Enfinity France, assurée auprès de la société Axa France IARD, la conception, la construction et la maintenance d'une centrale photovoltaïque en toiture d'un bâtiment industriel.

 

La société Enfinity France a :

 

- sous-traité les opérations de construction à la société Eden Energy, assurée auprès des Mutuelles du Mans assurances IARD et Mutuelles du Mans assurances mutuelles (les MMA),

- confié une mission de conseil sur les points techniques jusqu'aux opérations de réception à la société Kilowattsol, assurée auprès de la société Allianz IARD, puis de la société QBE Insurance.

 

Par contrat du 7 mars 2012, la société de conseil Kilowattsol a sous-traité l'assistance lors de la réception des travaux à la société Top Bis, assurée auprès de la société QBE Europe SA/NV.
 

Se plaignant de la production d'une énergie réactive supérieure à celle acceptée et d'infiltrations sous la toiture du bâtiment, la société Enfinity PV5 a, après expertise, assigné M. [Y], pris en sa qualité de liquidateur de la société Enfinity France, la société Axa et les MMA en indemnisation de ses préjudices.

 

Les sociétés de conseil Kilowattsol, le sous-traitant Top Bis, et leurs assureurs ont été appelées en garantie.

 

La société Axa fait grief à l'arrêt de la cour d’appel (Aix-en-Provence, 9 septembre 2021), de la condamner, in solidum avec les sociétés Kilowattsol et QBE Europe SA/NV, à payer à la société Enfinity PV5 diverses sommes en réparation de ses préjudices matériel et immatériel, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt et de la condamner à garantir les sociétés Kilowattsol et QBE Europe SA/NV dans la limite de 95 % des condamnations, alors :

 

- que l'expert judiciaire consignait dans son rapport les propos de M. [M], propriétaire du bâtiment dans lequel la centrale est installée selon lesquels « les infiltrations sont présentes dans son bâtiment depuis l'origine des travaux. Le premier signalement qu'il en a fait date du 13 juillet 2011 et donc avant la réception. Depuis, il n'a cessé de subir des infiltrations régulières qui dégradent les cartons de stockage ; le stockage étant l'activité principale de son entreprise »,

 

- que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve, ce dont il résulte qu'il appartient au maître de l'ouvrage de s'assurer par lui-même de l'état de l'ouvrage à recevoir, spécialement lorsqu'il est informé de l'existence de non-conformités et de défauts.

 

Réponse de la Cour de cassation :

 

La Cour de cassation retient notamment ; que le document intitulé « Levée des réserves V2 », établi le 19 octobre 2012 par la société Top Bis, mentionnait la levée des réserves visées au précédent rapport du 19 avril 2012.

 

La cour d'appel a pu en déduire qu'il n'était pas établi que le maître de l'ouvrage avait eu connaissance de la persistance des infiltrations au jour de la réception, le 12 novembre 2012.

 

D'autre part, la cour d’appel a retenu, à bon droit :

 

-que le caractère apparent d'un vice de construction s'appréciait au regard du maître de l'ouvrage lui-même et non pas du technicien assistant celui-ci dans les opérations de réception,

 

-puis, souverainement, qu'aucun élément ne permettait d'établir que le maître de l'ouvrage était suffisamment averti pour déceler le défaut de conformité du câblage et les malfaçons susceptibles de compromettre l'étanchéité du bâtiment.

 

En conséquence, la Cour de cassation confirme qu’en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante sur l'existence de diligences concrètes du maître de l'ouvrage au jour de la réception, a pu en déduire que les désordres ne pouvaient pas être considérés comme apparents à la réception.

 

La cour d’appel a, ainsi, légalement justifié sa décision.

 

 Cass. 3e civ., 1er mars 2023, n° 21-23.375, n° 164 D

 

AL AVOCATS / ASSOUS-LEGRAND


 

 

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