Propriété du sol d’un chemin et exploitation par les riverains

 

Le droit de propriété d’un riverain sur le sol d’un chemin n’exclut ni la qualification de chemin d’exploitation ni le droit d’usage de ce chemin par les autres propriétaires riverains.

 

Telle est la position de la Cour de cassation aux termes d’un arrêt du 9 janvier 2025. (Civ. 3e, 9 janv. 2025, n° 23-20.665, FS)

 

Les faits sont les suivants :

 

M. [G], propriétaire d'une parcelle X contiguë à la parcelle Y soumise au statut de la copropriété et divisée en deux lots appartenant à MM. [N] (lot n° 1) et [B] (lot n° 2), a fait installer sur le chemin qui est matériellement situé sur la parcelle Y et permet l'accès aux deux parcelles, des réseaux alimentant son fonds en eau et électricité.

 

Soutenant que le chemin devait être qualifié de chemin d'exploitation et reprochant à M. [B] d'avoir, à l'occasion de travaux de goudronnage, modifié la pente du chemin, rendant son accès en voiture impraticable, et d'avoir sectionné une partie des réseaux qu'il avait installés, M. [G] l'a assigné en remise en état et indemnisation de ses préjudices.

 

Il est fait grief à l'arrêt de la cour d’appel de dire que le chemin en cause dépend de la parcelle Y et que les travaux de branchement et de raccordement engagés par M. [G] ont été effectués sans autorisation régulière au regard de la parcelle Y et de rejeter les demandes de M. [G] de dommages-intérêts et de remise en état du chemin.

 

Il est également fait grief à l'arrêt de la cour d’appel de dire que le chemin litigieux constitue un chemin d'exploitation et qu'il a une nature privative, alors « que les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation .

 

La qualification d'un chemin d'exploitation n'est pas liée à la propriété du sol .

 

En énonçant, pour écarter la qualification de chemin d'exploitation qu’il résulte de l'état descriptif de division du 11 décembre 1980 créant deux lots sur la parcelle Y, que le chemin dépend de la propriété de la parcelle Y ; et que l'existence d'un titre de propriété est exclusive de la qualification de chemin d'exploitation, la cour d'appel a violé l'article L 162-1 du code rural ».

 

Réponse de la Cour de cassation :

 

La Cour de cassation vise l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime .

 

Aux termes de ce texte, les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation. Ils sont, en l'absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit mais l'usage en est commun à tous les intéressés.

 

La Cour de cassation fait valoir qu’il s'en déduit que le droit de propriété d'un riverain sur le sol du chemin n'exclut ni la qualification de chemin d'exploitation (3e Civ., 23 octobre 1974, pourvoi n° 73-13.139, Bull., III, n° 377 ; 3e Civ., 9 mars 1977, pourvoi n° 75-13.647, Bull., III, n° 116) ni le droit d'usage de celui-ci par les autres propriétaires riverains du chemin (3e Civ., 26 février 1986, pourvoi n° 84-11.706, Bull., III, n° 19 ; 3e Civ., 5 février 1997, pourvoi n° 95-12.106, Bull., III, n° 31 ; 3e Civ., 24 novembre 2010, pourvoi n° 09-70.917, Bull., III, n° 208).

 

Pour rejeter la qualification de chemin d'exploitation et dire que celui-ci a une nature privative, l'arrêt de la cour d’appel relève qu'il ressort de l'état descriptif de division du 11 décembre 1980 créant les deux lots sur la parcelle cadastrée Y qu'il crée une servitude de passage tous usages sur le chemin grevant le lot n° 1 et profitant au lot n° 2, de sorte qu'au regard du titre de propriété, dont il résulte que le chemin dépend de cette parcelle, le chemin ne peut être qualifié d'exploitation.

 

En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé et la Cour de cassation casse et annule, en ce qu'il infirme le jugement en ce que celui-ci a qualifié le chemin en cause de chemin d'exploitation, et dit que ce chemin a une nature privative, l'arrêt rendu le 6 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble .

 

Civ. 3e, 9 janv. 2025, n° 23-20.665, FS)

 

 

 

 

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