Clause de non concurrence et résiliation judiciaire du contrat de travail
L’employeur qui a versé une contrepartie financière résultant d’une clause de non-concurrence en exécution d’un jugement de première instance prononçant la résiliation du contrat de travail peut-il obtenir la restitution de ce versement alors que la cour d’appel a infirmé le jugement en déboutant la salariée de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ?
La Cour de cassation aux termes d’un arrêt du 4 septembre se prononce sur le devenir de cette contrepartie financière ; l’employeur devant pour obtenir cette restitution prouver le non-respect de cette clause par le salarié.
Les faits sont les suivants :
Mme [O] a été engagée en qualité de premier monteur lunetier vendeur le 1er mars 2006 par la société O.V.
La salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail le 10 juillet 2017 pour non- respect de la réglementation du travail par son employeur.
Examen des moyens concernant la clause de non concurrence à laquelle était soumise la salariée :
La salariée fait grief à l'arrêt de la cour d’appel (Poitiers, 2 février 2023) de la condamner à restituer à l'employeur la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, alors « que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence a pour objet d'indemniser le salarié tenu d'une obligation limitant ses possibilités d'exercer un autre emploi ».
Selon la salariée, l'infirmation par une cour d'appel d'un jugement ayant prononcé la résiliation judiciaire d'un contrat de travail n'ouvre pas droit pour l'employeur à restitution des indemnités qu'il a versées au salarié au titre de la clause de non-concurrence mise en œuvre à la suite du jugement, dès lors que le salarié a respecté cette clause .
En retenant que la demande de l'employeur était fondée compte tenu du fait que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ne peut pas être payée avant la rupture du contrat de travail quand il n'était pas contesté qu'à la suite du jugement prononçant la résiliation judiciaire de son contrat de travail, la salariée avait respecté la clause de non-concurrence, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 du code du travail et 1103 du code civil, ensemble les articles 17 de la loi des 2 et 17 mars 1791, 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que 15 et 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Réponse de la Cour de cassation
La Cour de cassation vise le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle et les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, ce dernier dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 .
La Cour de cassation retient qu’il résulte de ce principe et de ces textes que lorsqu'une cour d'appel infirme le jugement ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et déboute le salarié de cette demande, le respect de la clause de non-concurrence par le salarié à compter du jugement fait obstacle à la restitution par l'intéressé de la contrepartie financière, de sorte que l'employeur doit, pour obtenir la restitution, démontrer que le salarié n'a pas respecté la clause pendant la période durant laquelle elle s'est effectivement appliquée.
Pour condamner la salariée à restituer à l'employeur une somme au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, la cour d’appel retient, après avoir débouté l'intéressée de sa demande de résiliation judiciaire et infirmé le jugement de ce chef, que la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ne peut pas être payée avant la rupture du contrat de travail.
La Cour de cassation retient qu’en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe et les textes susvisés.
Par ces motifs, la Cour de cassation casse et annule, en ce qu'il condamne Mme [O] à payer à la société O.V. la somme de 6 419,84 euros au titre de la contrepartie de la clause de non-concurrence.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 septembre 2024, 23-15.944, Publié au bulletin