Action en requalification d’un bail commercial de courte durée- délai de prescription
Le délai de prescription biennale applicable à l'action en requalification d'un contrat en bail commercial court même en présence d'une succession de contrats distincts dérogatoires aux dispositions du statut des baux commerciaux, à compter de la conclusion du contrat dont la requalification est recherchée et, en l’espèce, à compter de la conclusion du dernier bail dérogatoire.
Tel en a décidé ainsi la Cour de cassation, par arrêt du 25 mai 2023, en présence d’une série de baux dérogatoires conclus avec le même locataire.
Les faits sont les suivants :
Pour loger son personnel, la société La Mangeoire, exploitant un commerce de piano-bar-restaurant a conclu, avec la commune propriétaire d'un immeuble dans lequel avait été exploité un hôtel, successivement sept conventions qualifiées de « convention d'occupation précaire ».
La première du 9 novembre 2009, à effet du 15 novembre 2009 au 15 mai 2010, la dernière à effet du 1er novembre 2014 avait pour terme le 31 octobre 2015.
Le 5 octobre 2015, la commune (bailleresse) a adressé à la société La Mangeoire (locataire) un projet de « bail de location saisonnière », pour l'année 2016, stipulant une durée de sept mois à l'issue de laquelle le preneur devra quitter les lieux
La locataire restée, sans interruption, en possession des lieux depuis la date d'effet de la première convention a, le 26 mai 2016, assigné la bailleresse, revendiquant l'existence d'un bail commercial et l'application du statut des baux commerciaux.
A titre reconventionnel, la bailleresse a sollicité son expulsion et le paiement d'une indemnité d'occupation
La locataire fait grief à l'arrêt de la cour d’appel de déclarer irrecevables ses demandes, d'ordonner son expulsion et de fixer une indemnité d'occupation alors « que le point de départ de la prescription biennale applicable à la demande tendant à la requalification d'une convention en bail commercial court à compter de la conclusion du dernier contrat, conclu entre les parties, dont la requalification est demandée . »
Position de la Cour de cassation :
La Cour de cassation se réfère à l'article L.145-60 du code de commerce selon lequel toutes les actions exercées en vertu du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans.
Le délai de prescription biennale applicable à l'action en requalification d'un contrat en bail commercial court, même en présence d'une succession de contrats distincts dérogatoires aux dispositions du statut des baux commerciaux, à compter de la conclusion du contrat dont la requalification est recherchée.
Pour déclarer irrecevable comme prescrite la demande de requalification de la convention en bail commercial, l'arrêt de la cour d’appel énonce, d'abord, que le point de départ du délai de prescription est la date de conclusion de la convention initiale, y compris en cas de reconduction tacite ou de renouvellement par avenants successifs et qu'une telle solution s'impose également en cas de renouvellement par conclusion d'un nouveau contrat similaire.
Relevant, ensuite, que depuis la signature de la première convention en 2009, la relation contractuelle a été renouvelée dans les mêmes conditions, entre les mêmes parties et pour les mêmes locaux, la locataire n'ayant jamais quitté les lieux ni rendu les clefs à l'expiration de chaque période renouvelée pour la même période, la cour d’appel en déduit que le délai de prescription de l'action a commencé à courir à compter du 9 novembre 2009, date de conclusion du premier contrat entre les parties
Selon la Cour de cassation, en statuant ainsi, alors que la locataire demandait la requalification du dernier contrat conclu entre les parties, de sorte que le point de départ de la prescription de son action courait à compter du 1er novembre 2014, date de prise d’effet du dernier contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Par ces motifs la Cour de cassation casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 25 mai 2023, 22-15.946, Publié au bulletin