Protection des consommateurs : l’obligation de vigilance du prêteur qui accorde un crédit à la consommation

 

Le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la complète exécution du contrat principal, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

 

Telle est la position de la Cour de cassation en date du 10 juillet 2024.

 

Les faits sont les suivants :

 

Le 21 mars 2017, M. [B] [N] a conclu hors établissement avec la société Futura internationale (le vendeur) un contrat de fourniture et d'installation d'une centrale solaire photovoltaïque financé par un crédit souscrit le même jour avec Mme [B] [N] auprès de la société Cofidis (la banque).

 

A la suite du défaut de règlement des échéances du crédit, la banque a assigné M. et Mme [B] [N] (les emprunteurs) en paiement.

 

Les emprunteurs ont assigné le vendeur notamment en nullité du contrat principal.

 

Le vendeur a été placé en liquidation judiciaire et M. [D] désigné en qualité de mandataire liquidateur.

 

Les emprunteurs font grief à l'arrêt de la cour d’appel les condamner solidairement à payer à la banque une certaine somme en restitution du capital prêté sous déduction des sommes déjà versées.

 

La cour d'appel ne pouvait retenir que la banque n'avait pas commis de faute en libérant les fonds au vu de cette attestation au seul motif que M. [B] [N] avait certifié que les travaux avaient été complètement réalisés.

 

En statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée si, compte tenu des circonstances et du court délai écoulé depuis, la banque avait légitimement pu se convaincre, à la seule lecture de l'attestation, de la réalisation complète de l'opération complexe de livraison et d'installation financée par le contrat de crédit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.

 

M. [H] [B] [N], Mme [F] [U] [N], épouse [B] [N], ont formé le pourvoi n° B 23-12.122 contre l'arrêt rendu le 6 avril 2022 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige les opposant :

 

1°/ à la société Cofidis,

2°/ à la société Futura Internationale,

3°/ à la société [D], représentée par M. [T] [D], pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Futura Internationale,

 

défenderesses à la cassation.

 

Réponse de la Cour de cassation, concernant le moyen se rapportant à l’obligation de remboursement des échéances par l’emprunteur au profit du prêteur 

 

La Cour de cassation vise les articles L. 312-48, L. 312-55 du code de la consommation et 1231-1 du code civil .

 

Il résulte de ces textes que la résolution ou l'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, emporte pour l'emprunteur l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté.

 

La Cour de cassation rappelle que le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la complète exécution du contrat principal, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.(1re Civ., 16 janvier 2013, pourvoi n° 12-13.022, Bull. 2013, n° 6, 1re Civ., 25 novembre 2020, pourvoi n° 19-14.908, publié).

 

La Cour de cassation juge ainsi que commet une faute le prêteur qui libère les fonds au vu :

 

- d'une attestation de livraison et de demande de financement signée par l'emprunteur,  insuffisamment précise pour rendre compte de la complexité de l'opération financée et permettre au prêteur de s'assurer de l'exécution effective des prestations de mise en service de l'installation auxquelles le vendeur s'était également engagé,

- ou bien encore d'une attestation mentionnant que les travaux terminés ne concernent pas les prestations de raccordement ni l'obtention des autorisations administratives auxquelles le vendeur s'était engagé (1re Civ., 10 septembre 2015, pourvoi n° 14-13.658, Bull. 2015, I, n° 200, 1re Civ., 12 décembre 2018, pourvoi n° 17-20.882, 1re Civ., 14 février 2024, pourvoi n° 21-12.246.).

 

Pour condamner les emprunteurs, à la suite de l'annulation de la vente et du contrat de crédit affecté, à restituer à la banque le capital prêté sous déduction des sommes déjà versées, l'arrêt de la cour d’appel retient que la banque n'a commis aucune faute en versant les fonds au vendeur au vu de l'attestation de conformité du Comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité (Consuel) et de l'acceptation sans réserve, signée de l'un des emprunteurs après l'expiration du délai de rétractation, de la livraison et de l'exécution des prestations.

 

Selon la Cour de cassation en statuant ainsi, alors qu'elle relevait qu'aux termes du contrat de vente, le prix incluait les démarches administratives et les frais de raccordement au réseau ERDF « pris en charge à 100 % », de sorte que l'attestation signée par l'emprunteur, qui ne mentionnait pas ces prestations, n'était pas suffisamment précise pour permettre au prêteur de s'assurer de l'exécution de chacune des prestations énumérées au contrat principal auxquelles le vendeur s'était engagé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

 

Par ces motifs, la Cour casse et annule, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement M. et Mme [B] [N] à payer à la société Cofidis la somme de 29 900 euros en restitution du capital prêté, sous déduction des sommes qu'ils lui ont déjà versées et en ce qu'il rejette la demande de dommages et intérêts formée par M. et Mme [B] [N], l'arrêt rendu le 06 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen .

 

Civ. 1re, 10 juill. 2024, FS-B, n° 23-12.122

 

 

 

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