Assignation en référé : pas d’effet interruptif de la prescription en cas de demande d'extension d'une mesure d'expertise
L'effet interruptif attaché à une assignation ne valant que pour les désordres qui y sont expressément désignés, la demande en justice d'extension d'une mesure d'expertise à d'autres désordres est dépourvue d'effet interruptif de prescription ou de forclusion sur l'action en réparation des désordres visés par la mesure d'expertise initiale.
La Cour de cassation rappelle ce principe aux termes d’un arrêt du 24 juin 2024.
Faits et procédure
La société Pinchinats a fait édifier un groupe d'immeubles sous la maîtrise d'œuvre de MM. [S] et [O], assurés auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF).
Les travaux de construction ont été confiés à la société SUPAE Ile-de-France aux droits de laquelle vient la société Eiffage construction grands projets.
La réception est intervenue le 12 juillet 1995.
Se plaignant de désordres, la société Imefa 33, à laquelle la société Pinchinats avait vendu des lots, a assigné celle-ci et la société SUPAE en référé aux fins d'expertise.
L'expertise, ordonnée le 25 juin 1997, portant notamment sur des désordres se manifestant par des décollements généralisés des peintures, a été ultérieurement rendue commune à MM. [S] et [O], en charge de la maitrise d’œuvre, ainsi qu'à la MAF.
Sur assignation de la société SUPAE, par arrêt du 5 mai 2000, la mission de l'expert a été étendue à l'examen de dommages ayant affecté les « nourrices » installées par le titulaire du lot plomberie.
Les 22, 23, 26, 30 septembre et 1er octobre 2005, la société Imefa 33 a assigné l'ensemble des intervenants aux fins d'indemnisation de ses préjudices.
Ces assignations ayant été annulées, elle a, à nouveau, assigné les intervenants en réparation par acte du 18 mai 2009.
La société Imefa 33 fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 26 septembre 2022), de déclarer irrecevables, pour prescription, ses demandes contre les sociétés Pinchinats, Eiffage, MAF et MM. [S] et [O] relativement aux désordres tenant aux décollements généralisés des peintures intérieures.
La société Imefa 33, a formé le pourvoi n° J 22-23.004 contre l'arrêt rendu le 26 septembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [K] [S],
2°/ à M. [G] [O],
3°/ à la société Pinchinats, société en nom collectif,
4°/ à la société Eiffage construction grands projets,
5°/ à la Mutuelle des architectes français,
défendeurs à la cassation.
Réponse de la Cour de cassation
La Cour de cassation rappelle que l'effet interruptif attaché à une assignation ne vaut que pour les désordres qui y sont expressément désignés (3e Civ., 31 mai 1989, pourvoi n° 87-16.389, Bull. 1989, III, n° 122 ; 3e Civ., 20 mai 1998, pourvoi n° 95-20.870, Bull. 1998, III, n° 104).
La Cour de cassation retient que cette exigence d'identification des désordres, qui détermine le cours de la prescription de l'acte dirigé contre celui que l'on veut empêcher de prescrire, est destinée à assurer la sécurité juridique des parties en litige.
Il en résulte que la demande en justice aux fins d'extension d'une mesure d'expertise à d'autres désordres est dépourvue d'effet interruptif de prescription ou de forclusion sur l'action en réparation des désordres visés par la mesure d'expertise initiale.
Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.
Par ces motifs, la cour rejette le pourvoi.
Civ. 3e, 2 mai 2024, FS-B, n° 22-23.004