Licenciement pour inaptitude au travail : portée de l’obligation de reclassement
Il résulte de l'article L. 1226-2-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 que lorsque l'avis d'inaptitude mentionne expressément que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur est dispensé de rechercher et de proposer au salarié des postes de reclassement.
Telle est la position de la Cour de cassation aux termes d’un arrêt du 12 juin 2024.
Faits et procédure
M. [V] [D] [E] a été engagé en qualité d'ouvrier spécialisé de production par la société Manufacture française des pneumatiques Michelin le 10 septembre 1979.
A l'occasion d'une visite de reprise après un arrêt de travail consécutif à une maladie non professionnelle le 6 juin 2017, le médecin du travail a émis l'avis suivant : « Inaptitude définitive au poste de travail du fait des contraintes posturales et manipulations suite à étude du poste et des conditions de travail. L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi».
Le salarié a été licencié pour inaptitude le 25 octobre 2017.
L'employeur fait grief à l'arrêt de la cour d’appel (Riom, 27 septembre 2022) de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer au salarié des sommes à ce titre ainsi qu'une indemnité de préavis et congés payés afférents et de lui ordonner de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage dans la limite de six mois.
Réponse de la Cour de cassation :
La Cour de cassation vise l'article L. 1226-2-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 selon lequel, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt de la cour d’appel retient que l'avis du médecin du travail émis le 6 juin 2017 ne mentionne l'impossibilité de reclassement que dans l'emploi et non dans tout emploi, que la mention de l'emploi, qui tend à viser l'emploi occupé précédemment, ne peut être assimilée à celle d'un emploi qui suggère la référence à une généralité d'emplois, et qu'un salarié peut, en effet, être inapte à un type d'emploi sans l'être nécessairement à tout emploi sauf indication en ce sens du médecin du travail, inexistante en l'espèce.
Selon la Cour de cassation, en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'avis d'inaptitude mentionnait expressément que l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, ce dont il résultait que l'employeur était dispensé de rechercher et de proposer au salarié des postes de reclassement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
L'employeur étant dispensé de rechercher et de proposer au salarié des postes de reclassement, le licenciement prononcé le 25 octobre 2017 est fondé sur une cause réelle et sérieuse et le salarié sera débouté de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité de préavis et de congés payés afférents.
Par ces motifs, la Cour de cassation casse et annule, sauf en ce qu'il déboute M. [V] [D] [E] de sa demande au titre du rappel de salaire et des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 27 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Riom et :
-dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse .
-déboute M. [V] [D] [E] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et de congés payés afférents, et au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
-condamne M. [V] [D] [E] aux dépens, y compris ceux exposés devant la cour d'appel et le conseil de prud'hommes.
Soc. 12 juin 2024, F-B, n° 23-13.522