Requalification d’un contrat de travail : quelle prescription?

 

L'action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat de travail, dont la nature juridique est indécise ou contestée, revêt le caractère d'une action personnelle et relève de la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2224 du code civil et non de la prescription biennale de L .1471-1 du code du travail.

 

La qualification dépendant des conditions dans lesquelles est exercée l'activité, le point de départ de ce délai est la date à laquelle la relation contractuelle dont la qualification est contestée a cessé.

 

C'est en effet à cette date que le titulaire connaît l'ensemble des faits lui permettant d'exercer son droit. La Cour de cassation aux termes de deux arrêts du 11 mai 2022 s’est prononcée dans ce sens.

 

Les faits sont les suivants ;

 

M. [J], exerçant la profession de photographe, a travaillé pour le compte de la société de Presse et d'édition du Sud-Ouest (la société) du 27 février 2001 au 1er avril 2004 en qualité de correspondant local de presse puis, à compter du 1er juin 2004, comme journaliste pigiste.

 

Il a ensuite travaillé suivant contrats à durée déterminée du 5 août au 3 septembre 2008, puis du 1er au 31 août 2009, en remplacement d'un salarié absent, avant de reprendre une activité de pigiste jusqu'au mois de mai 2015.

 

Le 20 juillet 2016, M. [J] a saisi la juridiction prud'homale puis a formé le pourvoi n° P 20-14.421 contre l'arrêt rendu le 30 janvier 2020 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Sapeso Sud-Ouest, afin :

- que soit constatée l'existence d'un contrat de travail,

- et que lui soient allouées diverses sommes à titre de rappels de salaires et en conséquence d'une rupture illicite.

 

M. [J] ayant réclamé en l'espèce la requalification de l'intégralité de la période comprise entre le 27 février 2001 et le 30 mai 2015 en un seul et même contrat dès lors qu'il avait, sous des statuts différents, effectué en réalité le même travail correspondant à un besoin constant de l'entreprise.

La recevabilité de ses demandes devait donc s'apprécier à compter du terme de la dernière mission conclue entre les parties.

 

La position de la Cour de cassation :

 

La Cour de cassation vise deux textes qui s’appliquent en matière de prescription :

- le délai de droit commun, à savoir l'article 2224 du code civil, aux termes duquel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

 

- le délai spécifique en droit du travail prévu par l'article L. 1471-1, alinéa 1, du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, aux termes duquel toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrivant par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

 

La Cour de cassation retient qu’il résulte de la combinaison des textes précités que l'action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat de travail, dont la nature juridique est indécise ou contestée, revêt le caractère d'une action personnelle et relève de la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil.

 

La qualification du contrat de travail dépendant des conditions dans lesquelles est exercée l'activité, le point de départ du délai de prescription de l’action est la date à laquelle la relation contractuelle dont la qualification est contestée a cessé.

 

Pour dire que les demandes sont irrecevables, l'arrêt de la cour d’appel (Pau, 30 janvier 2020),  après avoir rappelé les termes de l'article L. 1471-1 du code du travail, retient que ces dispositions ont institué une prescription biennale.

 

Relevant que l'intéressé avait saisi la juridiction prud'homale le 20 juillet 2016, la cour d’appel conclut que l’action du salarié en qualification de son contrat est prescrite.

 

La Cour de cassation infirme donc l’arrêt d’appel retenant qu’en statuant ainsi, la cour d'appel, a violé les textes susvisés.

 

A noter qu’aux termes d’un deuxième arrêt, de même date, la Cour de cassation tranche dans le même sens concernant le licenciement d’un médecin-conseil qui l’opposait à la MACSF prévoyance.

 

 

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 mai 2022, 20-14.421, Publié au bulletin

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 mai 2022, 20-18.084, Publié au bulletin

 

AL AVOCATS / ASSOUS-LEGRAND

 

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