Servitude - prescription acquisitive de vues résultant d’un acte illicite ou irrégulier

 

L'absence de déclaration préalable d'urbanisme et le défaut d'autorisation des travaux de percement du mur extérieur d'un immeuble soumis au statut de la copropriété ne font pas obstacle à l'acquisition par prescription d'une servitude de vue sur le fonds voisin.

 

Telle est la position de la Cour de cassation en date du 21 avril 2022. 

 

Les faits sont les suivants :

 

M. [B], propriétaire d'un lot à usage professionnel au rez-de-chaussée de la résidence Port des sables, soumise au statut de la copropriété, a créé dans le mur extérieur de cette résidence plusieurs ouvertures donnant sur le fonds appartenant au syndicat des copropriétaires de la résidence Le Soleil et a aménagé une terrasse sur ce fonds.

 

Le syndicat de la résidence Le Soleil a assigné le syndicat des copropriétaires de la résidence Port des sables en suppression desdites ouvertures et en cessation de l'empiétement.

 

Celui-ci a appelé en intervention forcée M. [B], auteur des ouvertures.

 

Le syndicat de la résidence Port des sables reproche à l'arrêt de la cour d’appel de le condamner, in solidum avec M. [B], à fermer les ouvertures, à supprimer tout empiétement sur le fonds appartenant à la copropriété résidence Le Soleil, à restituer aux lieux leur état initial et à payer au syndicat de la résidence Le Soleil une certaine somme à titre de dommages-intérêts.

 

 Position de la Cour de cassation :

 

La Cour de cassation se réfère à l'article 690 du code civil, aux termes duquel les servitudes continues et apparentes s'acquièrent par titre, ou par la possession de trente ans.

 

La Cour de cassation relève qu’une servitude de vue constitue une servitude continue et apparente qui existe du fait-même de la présence de l'ouverture donnant sur l'héritage d'autrui et dont la possession subsiste tant qu'elle n'est pas matériellement contredite.

 

Or, pour condamner M. [B] à fermer les ouvertures, l'arrêt de la cour d’appel énonce que nul ne peut prescrire en vertu d'une possession s'établissant sur des actes illicites ou irréguliers et retient que les vues droites et directes sur la résidence Le Soleil ont été percées dans le mur appartenant à la résidence Port des sables, sans son accord et sans déclaration, en application des dispositions de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme, de sorte que la possession invoquée par M. [B] s'est établie sur des actes irréguliers.

 

Selon la Cour de cassation, en statuant ainsi, alors que l'absence de déclaration préalable d'urbanisme et le défaut d'autorisation des travaux de percement par l'assemblée générale des copropriétaires ne font pas obstacle à l'acquisition d'une servitude de vue par prescription.

 

La cour d'appel a donc violé le texte susvisé.

 

C’est le motif pour lequel la Cour de cassation casse et annule, en ce qu'il condamne in solidum M. [B] et le syndicat des copropriétaires de la résidence Port des sables, sous astreinte, à fermer les ouvertures donnant sur le fonds appartenant au syndicat des copropriétaires de la résidence Le Soleil, l'arrêt rendu le 10 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier.

 

 Cass. 3e civ., 21 avr. 2022, n° 21-12.240, n° 363 FS-B

 

 

AL AVOCATS / ASSOUS-LEGRAND
 

 

 

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