La chasse à la tourterelle suspendue par le juge des référés du Conseil d’Etat par décision du 11 septembre 2020
La « Ligue pour la protection des oiseaux » (LPO) et l'association « One Voice » demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du ministre de la transition écologique et solidaire du 27 août 2020 relatif à la chasse de la tourterelle des bois en France métropolitaine pour la saison 2020-2021,
2°) d'enjoindre au ministre de la transition écologique et solidaire (MTES) de ne pas ouvrir la chasse de la tourterelle des bois .
La « Ligue pour la protection des oiseaux » (LPO), fait valoir notamment:
- que l’arrêté contesté méconnaît les objectifs résultant des articles 2 et 7 de la directive n° 2009/147/CE du 30 novembre 2009, transposés aux articles L. 424-1 et suivants du code de l'environnement ainsi que les objectifs du plan international d'actions pour la conservation des tourterelles des bois, dès lors qu'il maintient la chasse de cette espèce au risque de voir son déclin se poursuivre et que la date d'ouverture se situe dans sa période de reproduction.
L'association « One Voice » soutient en autre :
- que l’arrêté méconnaît les principes de précaution et de conciliation, garantis notamment à l'article 6 de la charte de l'environnement et à l'article L. 110-1 du code de l'environnement, dès lors qu'il ne respecte pas l'exigence de protection d'une espèce en déclin ;
- qu’il méconnaît le principe de non-régression, rappelé notamment à l'article L. 110-1 du code de l'environnement, en ce qu'il fixe un quota plus élevé que les prélèvements opérés pendant la saison 2019-2020.
Le juge des référés fait valoir notamment que les États membres s'assurent que la pratique de la chasse, y compris le cas échéant la fauconnerie, telle qu'elle découle de l'application des mesures nationales en vigueur, respecte les principes d'une utilisation raisonnée et d'une régulation équilibrée du point de vue écologique des espèces d'oiseaux concernées, et que cette pratique soit compatible, en ce qui concerne la population de ces espèces, notamment des espèces migratrices, avec les dispositions découlant de l'article 2.
Le conseil d’Etat retient en autre qu’il résulte de l'instruction, et notamment de la note de présentation du projet d'arrêté rédigée par l'administration elle-même en vue de la consultation du public sur celui-ci prévu par l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement, que le nombre de tourterelles en Europe a diminué de près de 80% entre 1980 et 2015, tout particulièrement sur la voie de migration occidentale dont fait partie la France, laquelle représente avec 400000 à 480 000 couples, 10% de la population reproductrice européenne, en diminution de 44% sur les dix dernières années. L'espèce est en déclin selon le Museum national d'histoire naturelle et est classée comme vulnérable par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Eu égard au principe de précaution, le conseil d’Etat retient que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué, en tant qu'il fixe un quota de prélèvement supérieur à zéro, méconnaît l'objectif d'amélioration de l'état de conservation de l'espèce, résultant des articles 2 et 7 de la directive n° 2009/147/CE du 30 novembre 2009, transposés notamment aux articles L. 425-16 et L. 425-17 du code de l'environnement, apparaît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à sa légalité.
Il résulte de ces motifs que la « Ligue pour la protection des oiseaux » et l'association « One Voice » sont fondées à demander, la suspension de l'exécution de l'arrêté litigieux.
CE 11 sept. 2020, req. n° 443482-443567
AL AVOCATS / ASSOUS-LEGRAND