Conditions de participation des associations représentatives de locataires aux conseils de concertation locative

 

La Confédération générale du logement du département 38 (CGL 38) refuse de signer un plan de concertation locative proposé par le bailleur social mais réclame toutefois de :

 

  1. Participer aux réunions de concertation,
  2. Bénéficier des moyens financiers prévus par le plan.

La Cour de cassation fait valoir aux termes d’un arrêt du 16 octobre 2025 que:

La non signature d’un plan n’interdit pas de participer aux conseils de concertation locative même non signataire du plan.


De plus, les moyens financiers ne peuvent être subordonnés à la signature du plan conformément aux dispositions d’ordre public des articles 44 bis et 46 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 (modifiée en 2017).

 

 

Les faits sont les suivants

 

Le 29 avril 2019, le conseil d'administration de la Société d'habitation des Alpes Pluralis (la bailleresse) a validé un plan de concertation locative élaboré avec les associations de locataires représentatives, présentes dans son patrimoine.

 

L'association confédération générale du logement du département 38 - CGL 38 a refusé de signer ce plan.

Elle a, ensuite, assigné la bailleresse afin qu'il lui soit enjoint de l'intégrer aux réunions de concertation locative et qu'elle soit condamnée à lui verser une certaine somme au titre des dotations financières prévues par ce plan, outre des dommages-intérêts.

 

Par son premier moyen, l'association CGL 38 fait grief à l'arrêt de la cour d’appel de rejeter ses demandes en paiement, alors « que les moyens financiers prévus par l'article 44 bis de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 sont destinés aux associations qui participent à la concertation locative, ce qui inclut celles qui élaborent le plan de concertation locative, peu important qu'elles consentent ou non à le signer ; qu'en jugeant que l'octroi des moyens financiers était limité aux associations signataires du plan de concertation locative, si bien que l'association CGL 38 pouvait en être exclue pour avoir refusé de signer ce plan, malgré le fait qu'elle ait participé à son élaboration, la cour d'appel a violé l'article 44 bis de cette loi, le principe constitutionnel de liberté d'association et l'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. »

 

Par son second moyen, l'association CGL 38 fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la bailleresse de l'intégrer aux réunions de concertation locative, alors « que les dispositions des articles 44 et 44 ter de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, dont il résulte que les associations désignées par l'article 44 ont droit de siéger au conseil de concertation locative sont d'ordre public ; qu'en jugeant que les énonciations du plan de concertation locative avaient pu restreindre le droit de siéger au conseil de concertation locative aux seules associations signataires de ce plan, la cour d'appel a violé les articles 44, 44 ter et 46 de la loi du 23 décembre 1986, le principe constitutionnel de liberté d'association et l'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. »

 

La Confédération générale du logement du département 38 - CGL 38, a formé le pourvoi n° A 24-12.677 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2023 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la Société d'habitation des Alpes Pluralis, défenderesse à la cassation.

 

Réponse de la Cour de cassation :

 

La Cour de cassation vise les alinéas 1er et 2 de l'article 44 bis et l'article 46 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, dans leur rédaction issue de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 .

 

Aux termes du premier de ces textes, les bailleurs des secteurs locatifs mentionnés aux troisième, quatrième et cinquième alinéas de l'article 41 ter sont tenus d'élaborer, avec les représentants des associations de locataires présentes dans le patrimoine du bailleur affiliées à une organisation siégeant à la commission nationale de concertation, au conseil national de l'habitat ou au conseil national de la consommation, les représentants des associations de locataires ayant obtenu 10 % des suffrages exprimés aux dernières élections et les administrateurs élus représentants des locataires, un plan de concertation locative couvrant l'ensemble de leur patrimoine.

 

Aux termes du deuxième, le plan de concertation locative, validé par le conseil d'administration ou le conseil de surveillance du bailleur, définit les modalités pratiques de la concertation applicables aux immeubles ou aux ensembles immobiliers de leur patrimoine.

 

Ce plan précise notamment les règles destinées à formaliser les relations locatives locales, instaure un ou plusieurs conseils de concertation locative dont il peut prévoir la composition et prévoit des moyens matériels attribués aux représentants des locataires pour exercer leurs fonctions dans ce cadre.

 

Il prévoit des moyens financiers, au moins égaux à deux euros par logement du patrimoine concerné par le plan et par an, pour soutenir les actions des associations qui participent à la concertation locative. Ces moyens sont répartis entre les associations de locataires en fonction de leur résultat aux dernières élections des représentants des locataires. L'usage de ces moyens et les modalités de suivi de cet usage sont définis dans le plan de concertation locative. Un bilan annuel de l'utilisation de ces moyens est adressé par les associations bénéficiaires à l'organisme concerné.

 

Ces dispositions sont d'ordre public.

 

Il résulte de ces dispositions que si le plan de concertation locative validé par le bailleur détermine les modalités de participation des associations de locataires aux conseils de concertation locative, il ne peut faire obstacle au droit de participer à ces conseils, conféré à toute association représentative.

 

En outre, si l'allocation de moyens financiers est soumise à la participation des associations représentatives à la concertation locative ainsi qu'à un contrôle de l'usage des fonds, ces dispositions d'ordre public, auxquelles un plan de concertation locative ne peut déroger, excluent que cette participation et l'octroi des moyens financiers soient subordonnés à la signature de ce plan.

 

Pour rejeter les demandes de l'association CGL 38, l'arrêt de la cour d’appel retient :

 

- que la loi a donné compétence aux participants à l'élaboration du plan de concertation locative pour définir les modalités de la concertation entre le bailleur social et les associations locataires présentes au sein de son patrimoine,

- que le plan de concertation locative ainsi élaboré peut prévoir que les associations de locataires habilitées à désigner leurs représentants au conseil de concertation locative sont celles signataires du plan,

- et que dès lors, à défaut pour l'association CGL 38 d'avoir accepté le cadre contractuel du plan, elle ne peut prétendre ni à son intégration au conseil de concertation locative ni au versement des dotations financières, réservées, selon les stipulations du plan, aux associations participant à la concertation locative et ayant adhéré au cadre contractuel du plan..

 

La Cour de cassation retient qu’en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Par ces motifs, la Cour de cassation casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 décembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble.

 

Il résulte de cette décision que sont renforcés les droits des associations de locataires représentatives, même en cas de désaccord avec le bailleur.

 

Cet arrêt permet de faire ressortir que les plans de concertation ne peuvent déroger aux dispositions légales d’ordre public.

 

Civ. 3e, 16 oct. 2025, n° 24-12.677, FS-B

 

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