Cession irrégulière d’un fonds de commerce : quid de la charge des loyers ?
Lorsque le cédant fautif d'un droit au bail est tenu de garantir, sur le fondement de l'article 1630 du code civil, le cessionnaire de l'éviction du bail dont il souffre du fait que le bailleur lui dénie la qualité de locataire en raison de l'inopposabilité de la cession irrégulière, il ne peut obtenir du cessionnaire évincé le remboursement des loyers et indemnités d'occupation qu'il a payés au bailleur pour la période où le cessionnaire a occupé sans faute les locaux
Telle est la position de la Cour de cassation aux termes d’un arrêt du 4 juillet 2024.
Les faits sont les suivants :
Par acte sous seing privé du 30 septembre 2015, la société TNT Serge Blanco (la cédante), locataire de locaux commerciaux appartenant à M. [V] (le bailleur), a cédé son droit au bail à la société O'Pit (la cessionnaire).
Un arrêt du 31 mai 2018 :
- a prononcé, à la demande du bailleur la résiliation judiciaire du bail à effet au 27 avril 2016 aux torts de la cédante en raison de l'irrégularité de la cession du bail,
- a ordonné l'expulsion de la locataire et de tout occupant de son chef,
- et l'a condamnée au paiement d'une certaine somme au titre des loyers et indemnités d'occupation.
En conséquence, la cédante a délivré le 24 octobre 2018 à la cessionnaire un commandement de quitter les lieux, au visa de l'arrêt du 31 mai 2018.
La cessionnaire a quitté les lieux le 30 octobre 2018, puis elle a assigné la cédante, la société TNT Serge Blanco, sur le fondement de la garantie d'éviction en indemnisation de son préjudice.
La cédante, la société TNT Serge Blanco a demandé, à titre reconventionnel, le remboursement des loyers et indemnités d'occupation pour la période du 1er octobre 2015 au 30 octobre 2018
La cédante fait grief à l'arrêt de la cour d’appel de rejeter ses demandes en condamnation de la cessionnaire au paiement d'une certaine somme au titre des loyers et indemnités d'occupation pour la période du 1er octobre 2015 au 30 octobre 2018.
Réponse de la Cour de cassation :
La Cour de cassation vise l'article 1630 du code civil.
Aux termes de cet article, lorsque la garantie a été promise, ou qu'il n'a rien été stipulé à ce sujet, si l'acquéreur du fonds est évincé, il a droit de demander contre le vendeur :
1° La restitution du prix ;
2° Celle des fruits, lorsqu'il est obligé de les rendre au propriétaire qui l'évince ;
3° Les frais faits sur la demande en garantie de l'acheteur, et ceux faits par le demandeur originaire ;
4° Enfin les dommages et intérêts, ainsi que les frais et loyaux coûts du contrat.
En conséquence le cédant ne peut obtenir du cessionnaire évincé le remboursement des loyers et indemnités d'occupation qu'il a payés au bailleur pour la période où le cessionnaire a occupé sans faute les locaux.
La cour d'appel a, d'abord, retenu que la cédante était seule et entièrement responsable de l'éviction de la cessionnaire et qu'elle devait l'en garantir.
Elle a ensuite constaté que la cessionnaire avait libéré les locaux le 30 octobre 2018 après signification le 17 octobre 2018 de la décision rendue dans l'instance opposant la bailleresse à la cédante.
Selon la Cour de cassation, la cour d’appel en a exactement déduit que la demande formée par la cédante du fonds à l'encontre de la cessionnaire en remboursement des loyers et indemnités d'occupation payés au bailleur devait être rejetée.
·Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 4 juillet 2024, 23-13.822, Publié au bulletin