La garantie décennale protège-t-elle le maître d’ouvrage face aux désordres futurs?

 

Le maître de l'ouvrage qui ne démontre pas avoir subi un sinistre avant l'expiration du délai d'épreuve de 10 ans, ni fait l'objet d'une injonction de l'administration aux fins de démolition ou de mise en conformité, ne peut se prévaloir d’un dommage relevant de la garantie décennale malgré un risque mentionné dans le rapport d’expertise.

 

Tel est le principe rappelé par la Cour de cassation aux termes d’un arrêt du 26 juin 2025. Le risque seul ne suffit pas, il faut un dommage réalisé dans le délai décennal de garantie.

Cela renforce la sécurité juridique des constructeurs, mais peut être problématique pour les maîtres d’ouvrage confrontés à des désordres futurs.

 

Les Faits sont les suivants :

 

Une SCI a fait construire un local commercial et industriel, occupé après son achèvement par la société Serv'auto, gérée par M. et Mme [P].

 

Sont intervenues à l'opération de construction :

 

- pour la maîtrise d'œuvre la société Atlantic design construction SL, aux droits de laquelle vient la société Atlantic design construction France,

 

- pour les travaux de terrassement-VRD, la société Dilmex, assurée auprès de la société Axa France IARD,

 

- pour la maçonnerie et le gros œuvre la société Bernadet construction, assurée auprès des sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD,

 

- pour le dallage la société Siba, sous-traitante de la société Bernadet construction.

 

Des désordres apparaissent, notamment un risque d’inondation lié au réseau d’évacuation des eaux pluviales.

 

Après expertise, la SCI, M. et Mme [P] et la société Serv'auto ont assigné la société Atlantic design construction France, la société Dilmex et son assureur, la société Bernadet construction et ses assureurs en indemnisation de leurs préjudices.

 

La société Atlantic design construction France a appelé en garantie son assureur, la société Axa France IARD sur le fondement de la responsabilité décennale.

 

La SCI fait grief à l'arrêt de la cour d’appel (PAU 9 mai 2023) de rejeter sa demande en paiement d'une certaine somme dirigée contre les sociétés Atlantic design construction France, Dilmex et son assureur, alors « que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou acquéreur de l'ouvrage, des dommages qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; que le risque avéré d'inondation et de demande de démolition et réfection de l'immeuble par les pouvoirs publics le rendent, en eux-mêmes, impropre à sa destination, même s'ils ne se sont pas réalisés dans le délai d'épreuve. ».

 

Réponse de la Cour de cassation

 

La cour d'appel, qui a relevé que la SCI ne démontrait pas avoir subi des inondations avant l'expiration du délai d'épreuve ni fait l'objet d'une injonction de l'administration aux fins de démolition ou de mise en conformité, a pu en déduire que le risque d'inondation mentionné au rapport d'expertise judiciaire ne constituait pas un dommage relevant de la garantie décennale.

 

La Cour de cassation estime que le risque d’inondation évoqué par l’expert ne s’est pas concrétisé dans le délai de dix ans.

 

En conséquence, la Cour de cassation ne retient pas la responsabilité décennale.

 

Le moyen n'est donc pas fondé.

 

Civ. 3e, 26 juin 2025, FS-B, n° 23-18.306

 

 

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