Bail commercial :obligation du bailleur concernant l’indexation des loyers et la prise en charge de désordres résultant des parties communes

 

La Cour de cassation, aux termes d’un arrêt du 19 juin 2025, se prononce sur plusieurs points régissant les relations entre le bailleur et le locataire dans le cadre des baux commerciaux à savoir :

 

- la portée des clauses contractuelles d’indexation du loyer,

- les modalités de prise en charge des désordres,

- la responsabilité encourue lorsque le désordre évoqué par le locataire provient des parties communes.

Il résulte de la position de la Cour de cassation que concernant, l’indexation des loyers, une clause divisible seule la partie illicite est réputée non écrite (uniquement à la hausse), le reste de la clause demeure.

 

Concernant la prise en charge des désordres, lorsque les locaux loués à bail commercial sont situés dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, le bailleur est tenu d'exécuter les travaux lui incombant dans les parties privatives des locaux loués.

 

Les diligences accomplies par le bailleur pour obtenir du syndicat des copropriétaires la cessation d'un trouble ayant son origine dans les parties communes de l'immeuble ne le libèrent pas de son obligation de garantir la jouissance paisible des locaux loués.

 

Dès lors, lorsqu'un désordre apparaît en cours de bail, relevant de l'une des obligations du bailleur, que le locataire était, par suite des circonstances, seul à même de constater, le bailleur doit l' indemniser de son préjudice de jouissance à compter du jour où il en été informé jusqu'à sa cessation .

 

 

Les faits sont les suivants :

 

La société Besson chaussures (la locataire), a pris à bail commercial plusieurs locaux appartenant à la société Financière internationale Monceau (la bailleresse).

 

La locataire a assignée son bailleur en constatation du caractère non écrit des clauses d'indexation stipulées aux baux commerciaux ne jouant qu'en cas de variation à la hausse de l'indice et en restitution des sommes payées au titre de celles-ci.

 

La locataire a formé une demande additionnelle en paiement de diverses sommes, d'une part, en réparation du préjudice de jouissance subi consécutif à des infiltrations en provenance de la toiture d'un des locaux loués situé dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, d'autre part, au titre du coût des travaux de reprise des faux plafonds de ce local.

 

Concernant la clause d’indexation du loyer :

 

La locataire contestait la validité de cette clause car elle prévoyait la mise en jeu de l’indexation uniquement à la hausse.

 

La locataire fait grief à l'arrêt de la cour d’appel (Riom, 24 mai 2023), de rejeter ses demandes en constatation du caractère réputé non écrit des clauses d'indexation des loyers, en restitution des loyers versés en exécution de ces clauses et de la condamner à payer diverses sommes à titre de loyers alors « qu'une clause d'indexation excluant toute réciprocité de la variation du loyer est réputée non écrite en son entier, dès lors qu'elle est indivisible. »

 

Réponse de la Cour de cassation concernant ce moyen :

 

La Cour de cassation rappelle qu’il est jugé qu'est réputée non écrite toute clause d'indexation du loyer ne jouant qu'en cas de variation à la hausse de l'indice de référence comme contrevenant à l'article L. 145-38 du code de commerce , mais que seule la stipulation prohibée doit être réputée non écrite, et non la clause en son entier, sauf cas d'indivisibilité (3e Civ., 12 janvier 2022, pourvoi n° 21-11.169, publié), lorsque celle-ci ne peut être retranchée de la clause d'indexation sans porter atteinte à sa cohérence.

La cour d'appel a d'abord constaté que les baux commerciaux comprenaient une clause stipulant que le loyer sera susceptible de varier uniquement à la hausse en fonction de l'indice du coût de la construction publié trimestriellement par l'INSEE.

 

Elle a ensuite relevé, par motifs propres et adoptés, qu'il pouvait être fait abstraction du seul membre de phrase « uniquement à la hausse » en laissant subsister la clause générale d'indexation à la hausse ou à la baisse, et que l'obligation de ne faire varier le loyer que dans le seul sens de l'augmentation était divisible et dissociable de la simple obligation de faire varier le loyer dans un sens ou dans l'autre, et ce d'autant que la clause d'indexation exclusivement à la hausse n'avait pas été mise en œuvre par les parties, la bailleresse ayant appliqué une indexation à la baisse lors des variations à la baisse de l'indice.

 

Ayant ainsi caractérisé la divisibilité de la clause d'indexation, elle en a exactement déduit que celle-ci n'était pas réputée non écrite en son entier et, à bon droit, a rejeté la demande de la locataire en restitution des loyers versés en exécution de la clause d'indexation lorsqu'elle a eu pour effet d'augmenter le montant du loyer.

 

Le moyen n'est donc pas fondé.

 

Concernant les modalités de prise en charge du sinistre et l’obligation de réparation :

 

La Cour de cassation vise les articles 1719, 1° et 2°, et 1720, alinéa 2, du code civil .

 

Selon le premier de ces textes, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'une stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée.

 

Aux termes du second, il est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce. Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives.

 

Il résulte de ces dispositions, que, sauf pendant le temps où la force majeure l'empêcherait de faire ce à quoi il s'est obligé, le bailleur est tenu d'exécuter les travaux lui incombant dans les parties privatives des locaux loués.

 

Pour rejeter la demande en paiement du coût des travaux de reprise des faux plafonds, l'arrêt de la cour d’appel retient que le désordre les affectant est apparu dès les premiers signalements faits par la locataire et n'est pas lié au retard fautif de la société bailleresse.

 

Selon la Cour de cassation en statuant ainsi, alors qu'une fois informée des infiltrations affectant les parties privatives des locaux loués, la bailleresse devait remédier aux désordres et, à défaut d'exécuter elle-même les travaux de reprise des faux plafonds, et était tenue d'avancer à la locataire les sommes nécessaires à leur exécution, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

 

La Cour de cassation estime que le bailleur est tenu d’effectuer toutes les réparations nécessaires sauf les réparations locatives et doit agir rapidement dès qu’un désordre est signalé.

 

Concernant la responsabilité encourue lorsque le désordre évoqué par le locataire provient des parties communes.

 

La Cour de cassation vise les articles 1149, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1719 3° du code civil, et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime .

 

Selon le premier de ces textes et le principe susvisé, les dommages-intérêts dus au créancier sont de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé sans qu'il en résulte pour lui ni perte ni profit.

 

Selon le second de ces textes, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière d'assurer la jouissance paisible des locaux loués pendant la durée du bail.

 

Pour limiter l'indemnisation du préjudice de jouissance à une certaine somme sur la période de juin 2018 à mars 2021, la cour d’appel constate que la locataire n'a informé la bailleresse des infiltrations d'eaux dans le local loué qu'en juin 2018, que celle-ci a laissé sans réponse l'information donnée par la locataire pendant plus d'un an et demi et qu'elle ne justifie avoir saisi le syndic de copropriété de la demande de travaux de réfection de la toiture qu'en mars 2021.

 

La cour d’’appel fait valoir que la responsabilité de la bailleresse est engagée pour ce retard dans l'accomplissement des diligences auprès du syndic et en déduit que le préjudice de la locataire consiste en la perte d'une chance d'obtenir une réfection plus rapide de la toiture.

 

Selon la Cour de cassation en statuant ainsi, alors que la bailleresse devait, en l'absence de force majeure caractérisée, indemniser intégralement la locataire de son préjudice de jouissance à compter du jour où elle en a été informée jusqu'à sa cessation, la cour d'appel a violé les textes et principe susvisés.

 

Cela signifie que le bailleur ne peut se décharger de ses responsabilités en invoquant les difficultés liées à la copropriété et doit garantir au locataire une jouissance paisible même si le trouble provient des parties communes d’une copropriété.

 

Civ. 3e, 19 juin 2025, FS-B, n° 23-18.853

 

 

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