Permis de construire : travaux sur une construction ayant fait l’objet de transformations sans les autorisations d’urbanisme requises
Lorsqu’une construction a fait l’objet de transformations sans les autorisations d’urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d’y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l’ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé.
Tout projet de travaux soumis à autorisation doit inclure la régularisation des éléments irréguliers existants, lesquels sont matériellement ou fonctionnellement liés au projet ou qu’ils procèdent d’un même projet de conception ou d’exploitation.
Le Conseil d’Etat revient sur ces points par arrêt du 15 Octobre 2025 lorsqu’un propriétaire dépose une nouvelle demande de permis de construire, à savoir s’il doit-il régulariser l’ensemble des travaux irréguliers déjà réalisés sur le bâtiment, même si ces travaux ne sont pas directement liés au projet soumis .
La société civile immobilière (SCI) Lou Joy, devenue la SCI Fourseasons Group, puis la société Agni Formation SRL, est propriétaire, depuis le 27 janvier 2005, de parcelles à Grasse (Alpes-Maritimes).
A la suite de deux procès-verbaux d'infraction dressés par la commune de Grasse les 18 octobre et 21 novembre 2005 et de l'arrêté interruptif des travaux pris par le maire de Grasse le 18 novembre 2005, la SCI Lou Joy a sollicité, en mars 2006, un permis de construire visant à régulariser les travaux qu'elle avait entrepris sans autorisation, présentés comme une extension de la maison dite " principale " implantée sur le terrain, sans modification de la piscine attenante, ni d'une autre maison, dite " de famille ", distante de quelques dizaines de mètres.
Ce permis lui a été délivré le 18 juillet 2006.
Par un jugement du 29 juin 2017, confirmé par un arrêt du 25 mars 2019 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et par un arrêt du 8 décembre 2020 de la Cour de cassation, le tribunal correctionnel de Grasse a jugé ce permis de construire frauduleux et prononcé la démolition des constructions réalisées.
Dans l'intervalle, tirant les conséquences du jugement du tribunal correctionnel de Grasse du 29 juin 2017, le maire de Grasse a, par un arrêté du 26 octobre 2017, retiré pour fraude le permis de construire du 18 juillet 2006.
Par un jugement du 31 mai 2023, le tribunal administratif de Nice, saisi par la SCI Fourseasons Group, a annulé cet arrêté.
Mme et M. A... et Mme B..., voisins immédiats du projet, d'une part, la commune de Grasse, d'autre part, se pourvoient en cassation contre ce dernier jugement.
Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans la demande de permis de construire visant à régulariser des travaux réalisés sans autorisation sur la maison dite " principale ", la société pétitionnaire a fait état de l'existence d'une maison dite " de famille " et d'une piscine, dont les surfaces ont été mentionnées au titre de la présentation du projet.
Il ressort également que tant la maison " de famille " que la piscine ont été construites sans autorisation entre 2000 et 2003, et que leur régularisation n'a pas été sollicitée à l'occasion de la demande de permis en 2006.
Aux termes de l'article L. 241-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation aux dispositions du présent titre, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré ". En matière de permis de construire, la caractérisation de la fraude résulte de ce que le pétitionnaire a procédé de manière intentionnelle à des manœuvres de nature à tromper l'administration sur la réalité du projet dans le but d'échapper à l'application d'une règle d'urbanisme.
D'autre part, lorsqu'une construction a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé.
Il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l'édifice réalisée sans autorisation.
En revanche, une telle exigence ne trouve pas à s'appliquer dans le cas où les travaux effectués sans autorisation concernent d'autres éléments bâtis sur le terrain d'assiette du projet si le permis demandé ne porte pas sur ces éléments distincts du projet, sauf si ces derniers forment avec la construction faisant l'objet de la demande d'extension, en raison de liens physiques ou fonctionnels entre eux, justifiant une appréciation globale de leur conformité à la règle d'urbanisme, un ensemble immobilier unique.
Il résulte de l'ensemble des pièces du dossier que la société pétitionnaire avait, dès sa demande de permis de construire en 2006, pour projet de réaliser un ensemble immobilier unique, réunissant maison " principale " et maison " de famille ", ce qui impliquait, qu'elle sollicite la régularisation de la maison " de famille ", ce qu'elle s'est intentionnellement abstenue de faire de manière à contourner les règles du plan d'occupation des sols applicable.
En intégrant les surfaces de la maison " de famille " dans la présentation du projet, la société pétitionnaire a ainsi intentionnellement majoré les surfaces existantes pour pouvoir prétendre à des droits à construire supérieurs au titre de l'extension de la maison " principale ".
Il résulte des éléments du dossier que c'est à bon droit que le maire de Grasse a considéré que faute de solliciter la régularisation de la maison " de famille " et en présentant celle-ci comme existante dans sa demande de permis, la société pétitionnaire avait obtenu le permis de construire du 18 juillet 2006 par fraude et que celui-ci pouvait être retiré.
En conséquence, la requête de la société Agni Formation SRL, venant aux droits de la SCI Fourseasons Group, tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 octobre 2017 par lequel le maire de Grasse a retiré pour fraude le permis de construire délivré le 18 juillet 2006 à la SCI Lou Joy à laquelle elle a succédé, doit être rejetée.