Responsabilité de l’assureur : portée des clauses de la police

 

La Cour de cassation, aux termes d’un arrêt du 18 décembre 2025, se prononce sur la portée d’une déclaration inexacte auprès de l’assureur, notamment en cas de circonstances nouvelles, lesquelles seraient susceptibles d’aggraver le risque ou de créer un risque nouveau. 

 

Il y a lieu de vérifier si une telle situation remet en cause la teneur du contrat au regard des articles 113-2,3° et 119-9 du code des assurances.

 

Il appartient à la juridiction saisie de vérifier si le changement ou l’évolution de l’activité de l’assuré rendait inexactes les déclarations faites à l’assureur.

 

Cet arrêt démontre l’importance pour les parties de rédiger des clauses précises en matière de définition des risques et des exclusions.

 

 Les faits sont les suivants :

 

La société 123 JM (l'assuré) est propriétaire d'un immeuble à usage d'entrepôt, divisé en différents lots.

 

L’assuré était, par contrat du 20 décembre 2011, à effet rétroactif au 15 décembre 2011, assuré auprès de la société Millenium Insurance Company Limited, aux droits de laquelle se trouve la société MIC Insurance Company (l'assureur).

 

Le 17 mai 2014, un incendie survenu dans le lot pris à bail, le 15 février 2014, par la société Distri clim, a détruit l'immeuble.

 

Après avoir vainement demandé à l'assureur de garantir le sinistre, l'assuré l'a assigné devant un tribunal de commerce.

 

L'assureur fait grief à l'arrêt de la cour d’appel de rejeter ses demandes de nullité de la police d'assurance et de le condamner à payer à l'assuré les sommes de 1 303 167,37 euros HT au titre des dommages immobiliers, 93 600 TTC au titre de la perte de loyers et de 15 181,32 euros HT au titre des frais de gardiennage

 

La société MIC Insurance Company, a formé le pourvoi n° V 23-21.201 contre l'arrêt rendu le 21 juin 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4-chambre 8), dans le litige l'opposant à la société 123 JM, défenderesse à la cassation.

 

Réponse de la Cour de cassation :

 

La Cour de cassation vise les articles L. 113-2, 2°, L. 113-2, 3°, et L. 113-8 du code des assurances.

Selon le premier de ces textes, l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions précises posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel celui-ci l'interroge, lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à lui faire apprécier les risques qu'il prend en charge

 

Selon le deuxième, l'assuré est obligé de déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes les réponses faites à l'assureur, notamment dans le formulaire mentionné au 2° ci-dessus.

 

Selon le troisième, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre

 

Pour débouter l'assureur de sa demande de nullité du contrat d'assurance et le condamner à payer diverses sommes à l'assuré, l'arrêt de la cour d’appel relève, d'abord, que le questionnaire soumis par l'assureur à l'assuré préalablement à la conclusion du contrat ne lui demandait que de déclarer son activité principale, en précisant la proportion de la surface des locaux à assurer qui y était consacrée, ce qui a été fait par l'assuré qui a mentionné « stockage de vêtements » et précisé que cela occupait « plus de 25 % de la surface développée totale ».


L'arrêt de la cour d’appel relève, ensuite, que le questionnaire ne posait aucune question sur les activités accessoires, voire dangereuses, exercées dans les locaux à assurer et qu'il ne peut être déduit de l'absence de toute mention d'une activité « autre » dans la rubrique afférente du questionnaire, que seule l'activité principale déclarée y était exercée

 

 L'arrêt de la cour d’appel relève :

 

-après avoir ajouté que si l'assuré a autorisé, en cours de contrat, un locataire à exercer une activité de « vente en gros de tout appareil de climatisation » et le stockage afférent à cette activité, demeurait accessoire dès lors qu'elle occupait à peine plus de 5 % de la surface totale assurée,

- qu'il ressort des « dispositions personnelles multirisque professionnelle » du contrat que l'assuré a déclaré, lors de sa souscription, être propriétaire non occupant d'un immeuble comportant un entrepôt de stockage de vêtements, sur une superficie de 7 500 m².

 

La cour d’appel en déduit que, si l'activité nouvelle exercée dans les locaux constituait une circonstance nouvelle qui n'avait pu être déclarée initialement, de sorte qu'elle aurait dû l'être par la suite, il n'est pas démontré par l'assureur que cette activité a eu pour conséquence soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux dès lors qu'il reconnaît que la présence, dans les locaux, mais qui n'est pas certaine, de bouteilles de gaz, d'oxygène et d'acétylène, qui serait liée à l'exercice de cette nouvelle activité.

 

Pour la cour d’appel, cette nouvelle activité n'est pas à l'origine de l'incendie et qu'il n'est pas démontré, sauf à dénaturer les termes du rapport d'expertise judiciaire, qu'elle est à l'origine de sa propagation très rapide, et donc de l'ampleur du sinistre.

 

Néanmoins, la Cour de cassation retient qu’en statuant ainsi, alors que les circonstances nouvelles qui doivent être déclarées en cours de contrat par l'assuré ne dépendent ni de l'origine du sinistre dont la garantie est demandée, ni du rôle qu'elles ont joué dans son ampleur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

 

La Cour de cassation casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt 21 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris .

 

L’arrêt du 18 septembre 2025 (n° 23-21.201) rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation clarifie les conditions de validité de la nullité d’un contrat d’assurance pour fausse déclaration.

 

La Cour de cassation reproche à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si l’assuré avait intentionnellement omis de déclarer une activité nouvelle, et si cette omission avait pu fausser l’évaluation du risque par l’assureur.

 

L’arrêt rappelle que la nullité du contrat peut être prononcée dès lors que l’assureur prouve que l’assuré a volontairement omis une information déterminante.

 

Civ. 2e, 18 sept. 2025, F-B, n° 23-21.201

 

 

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