Indemnisation des victimes d’un accident automobile lorsque le contrat d’assurance de l’auteur est nul

 

Par arrêt du 26 juin 2025, la Cour de cassation rappelle que la nullité du contrat d’assurance de l’auteur de l’accident est inopposable aux victimes lesquelles doivent être indemnisées.

 

En effet, une indemnisation rapide et complète des victimes d’accidents de la circulation est réalisée, même si le responsable n’est pas valablement assuré.

 

Aussi l’assureur dont le contrat est nul peut exercer un recours contre l’assureur d’un autre véhicule impliqué, pour obtenir le remboursement intégral des sommes versées.

 

Faits et procédure

 

Mme [S] a souscrit, le 6 septembre 2007, auprès de la société Assurances du Crédit mutuel (la société ACM), un contrat afin d'assurer un véhicule automobile.

 

Le 14 octobre 2009, Mme [S], alors qu'elle circulait au volant de ce véhicule, a commis une faute de conduite et percuté le véhicule appartenant à M. [B], assuré par la société caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles du Centre Manche, dénommée Groupama Centre Manche (la société Groupama).

 

M. [B], Mme [S], ainsi que ses trois enfants mineurs, passagers du véhicule conduit par cette dernière, ont été blessés dans l'accident.

 

Mme [S] a fait l'objet d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et a été déclarée entièrement responsable du préjudice subi par M. [B].

 

Se prévalant d'une fausse déclaration de Mme [S] lors de la souscription du contrat, la société ACM l'a assignée, ainsi que la société Groupama, devant un tribunal de grande instance aux fins d'annulation du contrat d'assurance et de remboursement, par la société Groupama, des sommes qu'elle avait payées aux victimes.

 

La société ACM fait grief à l'arrêt de la cour d’appel de juger que la nullité du contrat d'assurance souscrit par Mme [S] n'est pas opposable à la société Groupama, et de la débouter de sa demande en remboursement des sommes avancées pour le compte de qui il appartiendra.

 

La société ACM a formé le pourvoi n° K 23-20.778 contre l'arrêt rendu le 7 juin 2023 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Groupama Centre Manche, défenderesse à la cassation.

ACM demande le remboursement des sommes versées à Groupama, estimant que la nullité du contrat lui est opposable.

 

Réponse de la Cour de cassation

 

La Cour de cassation vise l'article L. 113-8 du code des assurances.

 

Selon ce texte, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans incidence sur le sinistre.

 

La Cour de cassation rappelle ainsi, afin d'atteindre l'objectif de protection des victimes d'accident de la circulation poursuivi par les directives automobiles de l’Union européenne, la nullité édictée par l'article L. 113-8 du code des assurances n'est pas opposable aux victimes d'un accident de la circulation ou à leurs ayants droit.

 

Cependant, les articles 3, § 1, et 13, de la directive 2009/103/CE du 16 septembre 2009, tels qu'interprétés par la Cour de justice de l'Union européenne, ne régissent pas les rapports entre l'assureur, tenu d'indemniser les victimes nonobstant la nullité du contrat d'assurance souscrit auprès de lui, et l'assureur de tout autre véhicule impliqué dans l'accident dont le contrat n'est pas nul.

 

La Cour de cassation a jugé, sur le fondement de l'article L. 113-8 du code des assurances, que lorsque l'assureur, dont le contrat a été annulé pour fausse déclaration, a indemnisé des victimes de l'accident pour le compte de qui il appartiendrait, il est fondé à réclamer à l'un quelconque des assureurs des véhicules impliqués la restitution de l'intégralité des sommes versées (2e Civ., 7 juillet 2011, pourvoi n° 10-19.960).

 

Dès lors, si l'assureur dont le contrat est nul est tenu d'indemniser les tiers lésés, à l'égard desquels la nullité est inopposable, il est en droit d'obtenir de l'assureur d'un autre véhicule impliqué dans l'accident, auquel cette nullité est opposable, le remboursement de l'intégralité des sommes qu'il a versées.

 

Pour juger que la nullité du contrat d'assurance souscrit par Mme [S] auprès de la société ACM est inopposable à la société Groupama et débouter la société ACM de sa demande, formée à l'encontre de la société Groupama, en remboursement des sommes versées aux tiers lésés, l'arrêt de la cour d’appel énonce que si la nullité pour fausse déclaration intentionnelle du contrat d'assurance n'est pas opposable à la victime, elle ne l'est pas non plus « à son assureur », et ce d'autant que Mme [S] est la seule responsable de l'accident.

 

La Cour de cassation retient qu’en statuant ainsi, alors que la société ACM était en droit d'obtenir de la société Groupama, assureur du second véhicule impliqué, dont le contrat d'assurance n'était pas nul, le remboursement de l'intégralité des sommes qu'elle avait versées aux tiers lésés, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

 

Par ces motifs, la Cour de cassation casse et annule, sauf en ce qu'il prononce la nullité du contrat d'assurance souscrit par Mme [S] auprès de la société assurances du crédit mutuel, l'arrêt rendu le 7 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes.

 

 

Civ. 2e, 26 juin 2025, FS-B, n° 23-20.778

 

 

 

Version imprimable | Plan du site
©Cabinet d'Avocats ASSOUS-LEGRAND - AL AVOCATS - 01.40.47.57.57 - 112, rue de Vaugirard 75006 Paris