Portée de l’obligation de vigilance du sous-traitant par le maitre d’ouvrage

 

L’arrêt de la Cour de cassation du 18 septembre 2025, n° 23-14.121 confirme que le maître de l’ouvrage n’est pas tenu à une obligation de vigilance à l’égard du sous-traitant de l’entreprise principale, seul cocontractant du maitre d’ouvrage.

 

Par ailleurs, l’entreprise principale n'avait pas fait l'objet, en l’espèce, d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé.

 

Faits et procédure

 

L'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais (l'URSSAF) a adressé à la société maître de l'ouvrage, deux lettres d'observations le 3 avril 2019 l'avisant :

 

- d'une part, de la mise en œuvre à son encontre de la solidarité financière prévue par l'article L. 8222-2 du code du travail et du montant des cotisations dues pour la période allant du 21 avril au 30 juin 2017,

 

- d'autre part, de l'annulation des réductions ou exonérations de cotisations sociales dont elle a bénéficié au cours de cette même période.

 

Ces mises en demeure ont été adressées à la suite d'un procès-verbal de travail dissimulé établi à l'encontre de la sous-traitante de l'entrepreneur principale.

 

Le maitre d’ouvrage conteste être tenu à une obligation de vigilance à l'égard du sous-traitant de l’entreprise principale avec laquelle il avait contracté.

 

Le maître de l'ouvrage fait grief à l'arrêt de la cour d’appel de rejeter ses demandes et de valider les mises en demeure adressées par l’URSSAF à son encontre.

 

La société maitre d’ouvrage a formé le pourvoi n° Z 23-14.121 contre l'arrêt rendu le 2 février 2023 par la cour d'appel d'Amiens, dans le litige l'opposant l’URSSAF du Nord-Pas-de-Calais, défenderesse à la cassation.

 

Selon le maitre d’ouvrage alors « que les obligations de vérification mises à la charge des donneurs d'ordre et maîtres d'ouvrage préalablement à la conclusion d'un contrat, dans le cadre de la lutte contre le travail illégal, ne portent que sur la situation du propre contractant du donneur d'ordre ou du maître d'ouvrage ; que le sous-traitant du contractant d'un donneur d'ordre ou d'un maître d'ouvrage n'est pas contractuellement lié à ce dernier; que dès lors, le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage n'est tenu, vis-à-vis du sous-traitant de son contractant, fût-il agréé, d'aucune obligation de vérification préalable à la conclusion du contrat ; qu'en jugeant le contraire pour valider les mises en demeure adressées par l'URSSAF au maître de l'ouvrage, en raison des manquements d'un sous-traitant de l'entrepreneur principal avec lequel elle avait seul contracté, la cour d'appel a violé les articles L. 8222-1, L. 8222-2 du code du travail, L. 243-15 du code de la sécurité sociale et 1199 du code civil.»

 

Réponse de la Cour de cassation :

 

La Cour de cassation vise les articles 1199 du code civil, L. 8222-1 et L. 8222-2, deuxième alinéa, du code du travail, et 3 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, relative à la sous-traitance, applicables au litige .

 

Selon ces dispositions :

 

- le donneur d'ordre ou maître de l'ouvrage, qui méconnaît les obligations de vigilance énoncées à l’article 8222-1, est tenu solidairement au paiement des cotisations obligatoires, pénalités et majorations dues par son cocontractant qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé ainsi, le cas échéant, au remboursement des sommes correspondant au montant des aides publiques dont il a bénéficié.

 

- l'entrepreneur principal qui recourt à un ou plusieurs sous-traitants doit faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage.

 

En application de l’ article 1199 du code civil alors que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes, la Cour de cassation juge que le sous-traitant n'est pas contractuellement lié au maître de l'ouvrage (Ass. plén., 12 juillet 1991, pourvoi n° 90-13.602, Bull. 1991, Ass. plén., n° 5).

 

Il en résulte que, pour l'application de l'article L. 8222-1 du code du travail, le maître de l'ouvrage n'est pas tenu à une obligation de vigilance à l'égard du sous-traitant de son cocontractant.

 

Pour rejeter les demandes du maître de l'ouvrage et valider les mises en demeure, l'arrêt de la cour d’appel retient que l'acte spécial du 21 avril 2017, annexé à l'acte d'engagement, établit que le maître de l'ouvrage a expressément accepté la société en qualité de sous-traitant, ainsi que le paiement direct à cette dernière, de sorte qu'il existe un lien contractuel entre eux.

 

La cour d’appel en déduit que le maître de l'ouvrage était tenu à une obligation de vigilance à l'égard du sous-traitant dont il devait vérifier la cohérence des attestations de vigilance, si bien que sa solidarité financière a été engagée à bon droit.

 

En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'entrepreneur principal, seul cocontractant du maître de l'ouvrage, n'avait pas fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

 

Par ces motifs, la Cour de cassation casse et annule, sauf en ce qu'il rejette la demande d'annulation du jugement et dit l'appel recevable, l'arrêt rendu le 2 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens.

 

Cour de cassation du 4 septembre 2025 n0 23-14121

 

 

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