Logement indécent :modalités de calcul du volume habitable

 

La cour d’appel de Bordeaux, par arrêt du 22 mai 2023, fait valoir que le calcul du volume minimum d'un local donné à bail à usage d'habitation, doit se faire sur la base de la pièce principale et non sur la superficie totale du logement.

 

C’est donc à tort que le volume d’un logement est calculé sur la base de la superficie totale du logement, salle d'eau comprise, ce qui donne un volume supérieur à 20 M3.

 

Les faits sont les suivants :

 

Selon contrat du 3 juillet 2017, M. [I] [Y] a donné à bail par l'intermédiaire de la SAS F..., à Mme [J] [O] un logement.

 

A la demande de la locataire, les services d'hygiène et de la santé de la ville ont visité les lieux et ont rendu un rapport le 22 mai 2019, concluant au caractère impropre à l'habitation du logement en raison de sa superficie insuffisante.

 

Un arrêté préfectoral du 27 décembre 2019, a mis notamment en demeure le bailleur de mettre fin à la location, dans un délai de deux mois.

 

Mme [O], la locataire, est restée dans ce local jusqu'au 29 mai 2020, date à laquelle elle a emménagé dans un nouveau logement.

 

Par assignation du 11 septembre 2020, la locataire Mme [O] a saisi le juge du contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Bordeaux de façon à engager la responsabilité contractuelle de son bailleur M. [Y] et la responsabilité délictuelle de la société F..., mandataire, et de les voir condamner à lui payer des dommages et intérêts.

 

Par jugement du 2 novembre 2021, le juge des contentieux et de la protection de Bordeaux a notamment :

 

- déclaré contractuellement responsable le bailleur M. [Y] de la délivrance à Mme [O] d'un logement indécent,

- déclaré la société F..., aux droits de laquelle vient la SAS F.... responsable de fautes graves commises dans son mandat de gestion locative.

La société F... a relevé appel de ce jugement par déclaration du 29 novembre 2021.

 

Réponse de la cour d’appel :

 

Sur le caractère décent, la cour d’appel vise l'article 4 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2020, aux termes duquel le logement dispose au moins soit d'une pièce principale ayant une surface habitable au moins égale à 9 mètres carrés et une hauteur sous plafond au moins égale à 2,20 mètres, soit d'un volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes.

 

La cour d’appel vise également l'article R111-2 alinéas 2 et 3 du code de la construction et de l'habitation, aux termes duquel la surface d'un logement est la surface de plancher construite après déduction des surfaces occupées par les murs, cloisons, marches et cages d'escalier, gaines, embrasures de porte et de fenêtres. Le volume habitable correspond au total des surfaces habitables ainsi définies multipliées par les hauteurs sous plafond.

 

Il n'est pas tenu compte de la superficie des combles non aménagées, caves, sous-sols, remises, garages, terrasses, loggias, balcons, séchoirs communs et autres dépendances des logements ni des parties des locaux d'une hauteur inférieure à 1,80 mètre.

 

La Sas F.... fait valoir que les conditions de superficie de 9 M2 et de volume de 20 M3 sont alternatives, que l'acte d'achat stipulait une surface de 9 M2 et que le volume habitable est de 20 M3.

Pour la Sas F...., au vu de la rédaction de l'article 4 du décret susvisé, si la pièce principale mesure moins de 9 mètres carrés mais offre un volume de 20 M3 au moins, le logement doit être considéré comme décent.

 

La cour d’appel rappelle que le service d'hygiène de la ville, dans son rapport du 22 mai 2019, dont ni l'impartialité ni l'expertise ne peuvent être sérieusement mises en doute, s'est bornée à relever la surface de la pièce principale (6,5 M2) et de la salle d'eau, sans mesurer la hauteur sous plafond permettant de calculer le volume de la pièce principale.

 

Cependant, F.... avait calculé la hauteur de plafond, avant de donner le logement à bail, fixée à 2,43 mètres.

Le volume de la pièce principale est donc de : 6,50 x 2,43 = 15,795 M3, soit un volume inférieur à 20 M3 de sorte que le logement est indécent.

 

La cour d’appel retient que la Sas F.... a calculé à tort le volume sur la base de la superficie totale du logement, salle d'eau comprise, ce qui donne un volume supérieur à 20 M3.

 

D’autre part, concernant la responsabilité de l’agent immobilier, la cour d’appel fait valoir que la Sas F.... est un professionnel de l'immobilier, et en cette qualité, était censée ne pas ignorer que le calcul du volume minimum d'un local donné à bail à usage d'habitation doit se faire sur la base de la pièce principale et non sur la superficie totale du logement.

 

De plus, la cour d’appel fait valoir que le bailleur M. [I] [Y] était en droit de se reposer sur la Sas F.... pour l'appréciation du respect de la loi sur ce point, et a pu, en toute bonne foi, croire la Sas F.... lorsqu'elle lui a indiqué que si la surface minimum n'était pas suffisante, le volume minimum l'était et que le local pouvait donc être loué à usage d'habitation.

 

Le bailleur n'a donc commis aucune faute contractuelle vis-à-vis de Mme [O].

 

En revanche, la Sas F.... a commis une faute contractuelle dans le cadre de l'exécution du mandat que M. [I] [Y] lui avait confié.

 

L'obligation de relogement incombait à la Sas F.... qui a commis une faute en donnant à bail ce local.

 

La cour d’appel retient également que dans la mesure où cet immeuble n'aurait pas dû être mis en location à usage d'habitation, c'est à bon droit que Mme [J] [O] réclame le paiement de dommages et intérêts à hauteur de la somme versée à titre de loyers depuis l'origine du bail ainsi que remboursement des cotisations d'assurance versées depuis l'origine du bail .

 

CA Bordeaux, 1re ch., 22 mai 2023, n° 21/06511

 

 

 

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