Accident de la circulation : quelle responsabilité de la victime?

 

Aux termes de l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, seule est inexcusable, la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience.

 

Se pose la question de la qualification de la faute inexcusable interdisant dans cette hypothèse l’indemnisation de la victime d’un accident de la circulation.

 

La Cour de cassation, aux termes d’un arrêt du 21 décembre 2023, rappelle les principes retenus en la matière résultant de l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, la faute inexcusable de l’utilisateur du skate, à savoir la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger, dont il aurait dû avoir conscience, devant être caractérisée.

 

Les faits sont les suivants :

 

[J] [H], âgé de 18 ans, a été heurté par un véhicule automobile conduit par Mme [X] alors qu'il se déplaçait sur une planche à roulettes sur une voie de circulation. Il est décédé le jour de l'accident.

 

Le contrat d'assurance du véhicule automobile impliqué étant résilié depuis le mois de mai 2017, le père de [J] [H], M. [H], Mme [K] [R], compagne de ce dernier, MM. [G] et [M] [R], fils de celle-ci, et Mme [H], grand-mère de [J] [H], ont assigné Mme [X] et le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO), en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Var, en indemnisation de leurs préjudices.

 

Mme [H], la grand-mère de la victime, seule dont le pourvoi a été déclaré recevable, fait grief à l'arrêt rendu le 10 février 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), de la débouter de toutes ses demandes indemnitaires contre le FGAO en réparation du préjudice que lui a causé le décès accidentel de [J] [H].

 

La cour d'appel a retenu que la victime [J] [H] a commis une faute inexcusable, cause exclusive de l’accident, excluant tout droit à indemnisation.

 

Mme [H], la grand-mère, soutient qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985, la faute inexcusable au sens de l’article 3 de la loi du 5 juillet 1985, n’étant pas caractérisée.

 

Position de la Cour de cassation :

 

La Cour de cassation vise l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 aux termes duquel « les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident.

 

Les victimes désignées à l'alinéa précédent, lorsqu'elles sont âgées de moins de seize ans ou de plus de soixante-dix ans, ou lorsque, quel que soit leur âge, elles sont titulaires, au moment de l'accident, d'un titre leur reconnaissant un taux d'incapacité permanente ou d'invalidité au moins égal à 80 p. 100, sont, dans tous les cas, indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis.

 

Toutefois, dans les cas visés aux deux alinéas précédents, la victime n'est pas indemnisée par l'auteur de l'accident des dommages résultant des atteintes à sa personne lorsqu'elle a volontairement recherché le dommage qu'elle a subi. »

 

La Cour cassation relève que la cour d’appel retient, que la victime évoluait sur une planche à roulettes, à très vive allure, dans une rue à forte déclivité, sans avoir arrêté sa progression en bas de cette rue, dans une ville très touristique, au mois d'août, à une heure de forte circulation, en étant démuni de tout système de freinage ou d'équipement de protection.

 

De plus la victime [J] [H] s'est élancée sans égards pour la signalisation lumineuse présente à l'intersection située au bas de la rue ni pour le flux automobile perpendiculaire à son axe de progression.

 

Toutefois la Cour de cassation retient qu’en statuant ainsi, alors que les éléments relevés ne caractérisaient pas l'existence d'une faute inexcusable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

 

La Cour de cassation, en conséquence, casse et annule, en ce qu'il déboute Mme [H] de l'intégralité de ses demandes indemnitaires, de sa demande formée en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il la condamne aux dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 10 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

 

La Cour de cassation, par cet arrêt, révèle une interprétation très stricte de la faute inexcusable de la victime, limitant ainsi la responsabilité de celle-ci exclusive d’indemnisation.

 

Cour de cassation, Chambre civile 2, 21 décembre 2023, 22-18.480, Publié au bulletin

 

 

 

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