Suspension de l’exécution d’une décision de justice : à quel moment ?

 

Le droit à l’exécution d’une décision de justice est un droit fondamental et toute décision de justice ayant force exécutoire peut donner lieu à une exécution forcée.

 

Cependant, en cas de difficulté, le commissaire de justice instrumentaire requis pour procéder à l’exécution d’une décision de justice devenue définitive se doit dans certains de requérir la force publique.

 

Or, ce concours de la force publique peut être refusé, pour des motifs liés à la préservation de l’ordre public ou à notamment en cas d’atteinte à la personne humaine.

 

Il en est de même en cas de recours de la personne expulsée pour solliciter des délais.

 

Le Conseil d’Etat, aux termes de son arrêt du 11 octobre 2023, rappelle qu’il appartient au juge administratif de rechercher si la décision de l’administration n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation en considération d’éléments qui seraient postérieurs à la décision attaquée.

 

Les faits sont les suivants :

 

Par une décision du 14 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Paris a déclaré M. B... occupant sans droit ni titre du logement qu'il occupe à Paris et a ordonné son expulsion de ce logement.

 

Le commissaire de justice chargé de l’exécution a requis, le 23 février 2023, le concours de la force publique de façon à procéder à l’expulsion de l’occupant.

 

Par une décision du 6 avril 2023, le préfet de police a accordé le concours de la force publique à compter du 1er juin 2023.

 

L’intéressé a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cette décision .

 

Aux termes de cet article, « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. »

 

Par une ordonnance n° 2309754/3 du 10 mai 2023, le juge des référés du tribunal administratif a fait droit à la demande de M. B..., de suspendre l'exécution son expulsion.

 

Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 10 mai 2023.et sollicite :

1°) d'annuler cette ordonnance;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé, de rejeter la demande de M. B....

 

Position du Conseil d’Etat

 

Pour décider de la suspension de l’expulsion ordonnée par la décision du 6 avril 2023 avec le concours de la force publique, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a estimé qu'était propre à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée laquelle s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, en raison de l'atteinte à la dignité de la personne humaine, compte tenu notamment :

 

- à l'état de santé dégradé de M. B...

-et à l'absence de solution de relogement.

 

A cet égard, le Conseil d’Etat fait valoir qu’ « en retenant ce motif, sans rechercher si les circonstances sur lesquelles il se fondait, pour estimer que l'exécution de la décision contestée serait susceptible d'attenter à la dignité de la personne humaine, étaient, par la date à laquelle elles sont survenues ou ont été révélées, postérieures à la décision du juge de l'exécution qui avait refusé d'octroyer à M. B... un délai pour quitter les lieux, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit. »

 

Aussi le Conseil d’Etat retient que le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance n° 2309754/3 du 10 mai 2023, par laquelle le juge des référés du tribunal administratif a fait droit à sa demande de M. B..., de suspendre l'exécution de la décision d’expulsion.

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Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 11/10/2023, 474491

 

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