Les vélos électriques ne sont pas soumis à l’obligation d’assurance

 

Ne relève pas de la notion de « véhicule », au sens de l’article 1er, point 1, de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, un vélo dont le moteur électrique fournit uniquement une assistance au pédalage et qui dispose d’une fonction lui permettant d’accélérer sans pédaler jusqu’à une vitesse de 20 km/h, cette fonction ne pouvant toutefois être activée qu’après utilisation de la force musculaire.

 

Telle est la position de la cour de justice européenne aux termes d’une décision du 12 octobre 2023.

 

Les faits sont les suivants :

 

Le 14 octobre 2017, BV (ci-après la « victime »), qui circulait sur un vélo à assistance électrique sur la voie publique, en Belgique a été happée par une voiture assurée par KBC au titre de la loi du 21 novembre 1989.

La victime a été grièvement blessée et est décédée le 11 avril 2018. Cet accident constituant, pour cette victime, un « accident de trajet », P&V, assureur de l’employeur de la victime, en matière d’accidents du travail, a versé des indemnités et a été subrogée dans ses droits et ceux de ses ayants droit.

 

P&V assureur de l’employeur, a assigné KBC, assureur de la voiture, devant le tribunal de police de Flandre occidentale, division de Bruges, afin d’obtenir le remboursement de ses frais sur la base de l’article 1382 de l’ancien code civil belge ou de l’article 29 bis de la loi du 21 novembre 1989.

 

KBC a présenté une demande reconventionnelle visant à obtenir de P&V, assureur de l’employeur, un remboursement au titre d’une somme d’argent qui aurait été indûment versée. En défense, P&V a fait valoir, que la victime ne pouvait pas être considérée comme ayant été le conducteur d’un véhicule automoteur.

 

Par un jugement du 24 octobre 2019, a été constaté que le conducteur de la voiture concernée n’était pas responsable de l’accident en cause, mais que, en vertu dudit article 29 bis, KBC son assureur , était néanmoins tenue d’indemniser la victime ainsi que P&V, qui était subrogée dans les droits de cette victime, au motif que cette dernière n’était pas le conducteur d’un véhicule automoteur et qu’elle avait donc droit à une indemnisation au titre du même article.

 

KBC a interjeté appel de ce jugement devant le tribunal de première instance de Flandre occidentale, division de Bruges, Belgique.

 

P&V a formé un appel incident.

 

Au regard des informations fournies par le fabricant du vélo, a été acté que le moteur du vélo électrique ne fournissait qu’une assistance au pédalage, y compris s’agissant de la fonction « turbo » de ce moteur, et que cette fonction ne pouvait être activée qu’après utilisation de la force musculaire, que ce soit en pédalant, en marchant avec le vélo ou en le poussant.

 

Cette juridiction en a déduit que la victime n’était pas conductrice d’un véhicule automoteur, au sens de l’article 1er de la loi du 21 novembre 1989, et qu’elle pouvait prétendre à une indemnisation au titre de l’article 29 bis de cette loi en tant qu’« usager faible de la route », de même que l’assureur en matière d’accidents du travail, subrogé dans les droits de cette victime.

 

KBC s’est pourvue en cassation.

 

La juridiction de renvoi fait valoir que la solution du litige dont elle est saisie requiert une interprétation de la notion de « véhicule », au sens de l’article 1er, point 1, de la directive 2009/103.

 

Dans ces conditions, la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle sur la définition du terme « véhicule ».

 

Il est intéressant de noter que plusieurs points importants ressortent de ce contentieux : 

 

1-Selon une jurisprudence constante de la Cour, les dispositions du droit de l’Union doivent être interprétées et appliquées de manière uniforme, à la lumière des versions établies dans toutes les langues de l’Union.

 

En cas de disparité entre les différentes versions linguistiques d’un texte du droit de l’Union, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (arrêts du 8 décembre 2005, Jyske Finans, C‑280/04, EU:C:2005:753, point 31, et du 21 décembre 2021, Trapeza Peiraios, C‑243/20, EU:C:2021:1045, point 32).

 

2- Quant aux objectifs poursuivis par la directive 2009/103, il convient de rappeler que celle-ci vise :

 

- à assurer la libre circulation tant des véhicules stationnant habituellement sur le territoire de l’Union que des personnes qui sont à leur bord et à garantir que les victimes des accidents causés par ces véhicules bénéficieront d’un traitement comparable, quel que soit l’endroit du territoire de l’Union où l’accident s’est produit,

 

- de même qu’à assurer ainsi la protection des victimes d’accidents causés par les véhicules automoteurs, cet objectif de protection des victimes ayant été constamment poursuivi et renforcé par le législateur de l’Union [voir, en ce sens, arrêts du 20 juin 2019, Línea Directa Aseguradora, C‑100/18, EU:C:2019:517, points 33, 34 et 46 ainsi que jurisprudence citée, et du 20 mai 2021, K.S. (Frais de remorquage d’un véhicule endommagé), C‑707/19, EU:C:2021:405, point 27].

 

Des engins qui ne sont pas actionnés exclusivement par une force mécanique et qui ne peuvent donc pas se déplacer sur le sol sans utilisation de la force musculaire, tels que le vélo à assistance électrique, n’apparaissent pas de nature à causer aux tiers des dommages corporels ou matériels comparables, quant à leur gravité ou à leur quantité, à ceux que peuvent actionnés exclusivement par une force mécanique.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) a décidé que l’article 1er, point 1, de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’assurance de la responsabilité civile obligatoire pour les véhicules automoteurs doit être interprété en ce sens que  ne relève pas de la notion de « véhicule », au sens de cette disposition, un vélo dont le moteur électrique fournit uniquement une assistance au pédalage.

 

CJUE 12 oct. 2023, KBC Verzekeringen NV c/ P&V Verzekeringen CVBA, aff. C-286/22

 

 

 

 

 

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