Responsabilité médicale et indemnisation du patient

 

Lorsque le dommage subi par la victime d’une erreur médicale ne résulte pas exclusivement et intégralement de l’intervention, le Conseil d’Etat aux termes d’un arrêt du 13 octobre 2023, rejette le principe d’une réparation intégrale du préjudice subi pour ne retenir que la réparation évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue d'éviter que ce dommage soit advenu.

 

Les faits sont les suivants :

 

Mme B..., qui souffrait de calculs rénaux depuis plusieurs années, a subi, une intervention qui a occasionné une perforation du colon et la création d'une fistule entre cet organe et le rein, dont ont résulté de multiples complications.

 

La patiente a recherché l'indemnisation des préjudices en résultant.

 

Suite au pourvoi de l'AP-HP à la suite d’un jugement redu le 9 janvier 2020 et d’un arrêt de la cour administrative d’appel de Paris rendu le 29 mars 2022 cette affaire est portée devant le Conseil d’Etat.

 

Sur le pourvoi de l'AP-HP:

 

Il résulte des termes de l’arrêt de la cour administrative d’appel que, pour se prononcer sur les fautes invoquées, la cour, après avoir écarté que le dommage qui s'est réalisé, à savoir la perforation du côlon, organe non concerné par l'intervention, puisse résulter d'un aléa thérapeutique, a retenu, tout d'abord, l'existence d'un défaut d'information préalable de la patiente sur les risques inhérents à l'intervention.

 

La cour administrative d’appel a ensuite retenu que ce dommage résultait des fautes consistant, dans les circonstances de l'espèce :

 

-d'une part, compte tenu du terrain particulier présenté par la patiente, dans le fait de n'avoir pas réalisé l'intervention chirurgicale sous un double contrôle échographique et radioscopique,

 

- et, d'autre part, dans le fait, pour les chirurgiens ayant participé à cette intervention, de ne pas avoir pris connaissance de la coloscopie virtuelle, réalisée en médecine de ville, le 26 avril 2016, à la clinique de Bercy à Charenton-le-Pont.

 

La cour d’appel, enfin, après avoir énoncé « qu' il ne résulte pas de l'instruction qu'un raisonnement de dimension aléatoire d'une chaîne causale, d'aléa du processus de guérison ou encore de lien de causalité distendu, doive être appliqué en l'espèce », a considéré que le préjudice résultant directement de ces fautes devait être intégralement réparé.

 

Toutefois, la cour d’appel avait également relevé que le double contrôle échographique et radioscopique n'aurait permis que de réduire le risque de perforation du côlon et n'a pas retenu que le dommage subi résultait exclusivement et intégralement du défaut de consultation de la coloscopie virtuelle.

 

Dans ces conditions, il ressort des termes même de son arrêt que les fautes que la cour d’appel a retenues lors de la prise en charge de Mme B... ont seulement compromis ses chances d'éviter le dommage qu'elle a subi.

 

Dès lors, le Conseil d’Etat retient que le préjudice résultant directement des fautes commises par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu.

 

Par suite, en admettant le droit de la requérante à être indemnisée de l'intégralité du préjudice subi, les juges du fond ont commis une erreur de droit.

 

Le Conseil d’Etat décide que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 29 mars 2022 est annulé en tant qu'il condamne l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, à réparer les préjudices résultant du défaut d'information préalable et des fautes médicales qu'il a retenues, subis par Mme B... à l'occasion de sa prise en charge.

 

La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être limitée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue d’éviter le dommage.

 

 CE, 13 oct. 2023, n° 464464

 

 

 

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