Assurance responsabilité : conditions de mise en œuvre de l’action contre l’assureur du co-responsable

 

La recevabilité de l'action en garantie d'un responsable contre l'assureur d'un autre responsable n'est pas subordonnée à la mise en cause de l'assuré.

 

Telle est la position de la Cour de cassation aux termes d’un arrêt rendu le 1er février 2024.

 

Les faits sont les suivants :

 

Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 5 juillet 2022), en 2006, ont été réalisés des travaux de construction d'un bâtiment à usage commercial, appartenant à la société Bastien 2 (la SCI) et devant être exploité par la société Sodibelleville, aux droits de laquelle vient la société ID finances.

 

La maîtrise d'œuvre en a été confiée à la société Cobi, assurée auprès de la société PFA, aux droits de laquelle vient la société Allianz IARD et de la société Covea Risks, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA.

 

Le lot carrelage a été confié à la société Parvaud céramique, assurée auprès des sociétés MMA.

 

La société Parvaud céramique a sous-traité des travaux à la société BTI, assurée auprès de la société Axa.

 

Une mission de contrôle technique a été confiée à la société Apave Nord-Ouest.

 

La réception de l'ouvrage a été prononcée le 26 juillet 2006.

 

Se plaignant de désordres affectant le carrelage, la SCI et la société Sodibelleville ont assigné les constructeurs et leurs assureurs en indemnisation de leurs préjudices.

 

Les sociétés MMA, assureur de la maitrise d’œuvre la société COBI, ont appelé la société Axa par assureur de BTI sous-traitant de l’entreprise de carrelage en intervention forcée.

 

Les sociétés MMA font grief à l'arrêt de la cour d’appel de déclarer irrecevable l'appel en garantie dirigé par les MMA, assureur de la société Parvaud céramique, à l'encontre de la société Axa, assureur de la société BTI construction, sous-traitant, étant donné que les MMA avaient omis de mettre en cause le sous-traitant lui-même, la société BTI construction.

 

Selon les MMA , cet assureur étaient en droit d'appeler en garantie l'assureur de la société sous-traitante, BTI construction sans avoir à mettre en cause l’assuré lui-même , la cour d'appel a violé l'article L. 124-3 du code des assurances.

 

Réponse de la Cour de cassation :

 

La Cour de cassation vise l'article L. 124-3, alinéa 1er, du code des assurances et l'article 334 du code de procédure civile .

 

Aux termes du premier de ces textes, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

 

Il résulte du second article qu'une partie assignée en justice est en droit d'en appeler une autre en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle.

 

La Cour de cassation rappelle qu’il est jugé que la mise en cause de l'assuré n'est pas une condition de la recevabilité de l'action directe du tiers lésé (1re Civ., 7 novembre 2000, pourvoi n° 97-22.582, Bull. 2000, I, n° 274 ; 3e Civ., 15 mai 2002, pourvoi n° 00-18.541, Bull. 2002, III, n° 98).

 

Le pourvoi pose la question de savoir si la même règle doit s'appliquer, lorsque l'action exercée n'est pas l'action directe du tiers lésé, mais un appel en garantie formé par le responsable des dommages.

 

Or, comme en matière d'action directe du tiers lésé, si la présence de l'assuré apparaît indispensable à la solution du litige, les parties intéressées, en particulier l'assureur, peuvent l'appeler à l'instance en garantie ou être invitées à le faire par le juge et, à défaut, l'assuré auquel la décision ferait grief peut former tierce opposition.

 

La Cour de cassation fait valoir que dès lors, une différence dans les règles applicables à la recevabilité des deux actions ne se justifie, ni par des raisons tirées des textes qui les régissent, ni par des raisons de principe.

 

Selon la Cour de cassation, dans la mesure où la mise en cause de l'assuré n'est pas indispensable pour statuer tant sur le principe que sur l'étendue de sa responsabilité, exiger cette mise en cause en cas d'action en garantie contre l'assureur entraverait de manière injustifiée l'exercice des actions récursoires.

 

Il y a donc lieu de juger que, comme en matière d'action directe du tiers lésé, la recevabilité de l'action en garantie dirigée contre un assureur n'est pas subordonnée à la mise en cause de son assuré.

 

Or pour déclarer irrecevable l'action en garantie exercée par les sociétés MMA contre la société Axa, la cour d’appel énonce que l'appel en garantie, distinct de l'action directe prévue par l'article L. 124-3 du code des assurances, requiert la mise en cause de l'assuré pour que sa responsabilité soit établie.

 

En statuant ainsi la Cour de cassation retient que , la cour d'appel a violé les textes susvisés.

 

 

Civ. 3e, 1er févr. 2024, FS-B, n° 22-21.025

 

 

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