Les effets de la résiliation du contrat de location-gérance par le liquidateur judiciaire - Retour du fonds dans le patrimoine de son propriétaire

 

Il résulte de l'article L. 1224-1 du code du travail que, sauf ruine du fonds, la résiliation du contrat de location-gérance par le liquidateur judiciaire entraîne le retour du fonds dans le patrimoine de son propriétaire lequel doit assumer toutes les obligations se rapportant aux contrats de travail en cours avant la résiliation.

 

Doit dès lors, être cassé l'arrêt de la cour d’appel qui, pour fixer la date du transfert des contrats de travail, retient que la date effective de la reprise doit être recherchée dans la mise en œuvre des opérations de la liquidation judiciaire et que cette reprise n'a été effective qu'à la réception par le propriétaire des clefs permettant l'accès aux locaux et au matériel garnissant le fonds.

 

En effet, la Cour de cassation par arrêt du 3 mai 2024, confirme le transfert effectif des contrats de travail au jour de la résiliation du contrat de location gérance à la charge du propriétaire et ceci même si le propriétaire n’a pas la capacité de reprendre l’activité au moment de cette résiliation

 

Les Faits sont les suivants :

 

La société Exploitation du festival, locataire-gérante d'un fonds de commerce appartenant à la société Horizon (la société), a engagé M. [D] et six autres salariés entre le 1er mai 2000 et le 8 juillet 2016.

 

Par jugement du tribunal de commerce du 24 janvier 2017, la procédure de redressement judiciaire ouverte au bénéfice de la société locataire-gérante a été convertie en liquidation judiciaire et la société ISA, désignée en qualité de liquidateur.

 

Le liquidateur judiciaire a notifié à la société Horizon, propriétaire, par lettre du 6 février 2017, l'impossibilité de poursuivre le contrat de location-gérance et l'intention de restituer le fonds à compter du jour de la liquidation judiciaire.

 

Après le transfert de leurs contrats de travail à la société propriétaire, Horizon, celle-ci a refusé de verser les salaires pour la période du 6 février au 31 mars 2017.

 

Les salariés ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes, salariales et indemnitaires.

 

Par jugement du tribunal de commerce du 15 octobre 2019, la société propriétaire Horizon a été placée en redressement judiciaire, M. [U] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire et la société GM, prise en la personne de M. [G], a été désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

 

Les salariés font grief à la cour d’appel de les débouter de leurs demandes et de fixer la date du transfert des contrats de travail au 1er avril 2017, et non à la date de résiliation du contrat de location-gérance suite au jugement du 24 janvier 2017.

 

Il est reproché à la cour d’appel qui pour fixer au 1er avril 2017, la date du transfert des contrats de travail et débouter les salariés de leurs demandes, relève que les clés ont été reçues le 31 mars 2017 par la société propriétaire Horizon et que cette dernière n'avait pu exercer son activité commerciale qu'à compter du 1er avril suivant, sans rechercher ni caractériser si, au moment de la rupture du contrat, le fonds était inexploitable ou en ruine.

 

Seule cette circonstance pouvait s'opposer au transfert à cette date de l'entité économique dès lors que par l'effet de l'expiration du contrat de location gérance, le fonds qui en était l'objet faisait automatiquement retour à son propriétaire lequel devait assumer toutes les obligations liées aux contrats de travail en cours au moment de la résiliation.

 

La cour d’appel a donc violé, l'article L. 1224-1 du code du travail.

 

Réponse de la Cour de cassation

 

La Cour de cassation vise l'article L. 1224-1 du code du travail aux termes duquel, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

 

Il en résulte que, sauf ruine du fonds, la résiliation du contrat de location-gérance par le liquidateur judiciaire entraîne le retour du fonds dans le patrimoine de son propriétaire lequel doit assumer toutes les obligations du contrat de travail.

 

Pour débouter les salariés de leurs demandes, les arrêts de la cour d’appel, constatent d'abord que le liquidateur a notifié au loueur, le 6 février 2017, l'impossibilité de poursuivre le contrat de location-gérance et son intention de restituer le fonds à compter du jour de la liquidation judiciaire en précisant que la date d'entrée en jouissance du fonds de commerce était conditionnée par les opérations d'inventaire.

 

La cour d’appel retient ensuite que la détermination de la consistance du fonds de commerce étant subordonnée aux opérations d'inventaire, la date effective de la reprise doit être recherchée dans la mise en œuvre des opérations de la liquidation judiciaire et que les clefs permettant l'accès aux locaux et au matériel garnissant le fonds n'ont été adressées que par courrier du 28 mars 2017 et reçues le 31 mars suivant par le propriétaire du fonds.

 

Selon la Cour de cassation, en statuant ainsi, alors que la résiliation du contrat de location-gérance par le liquidateur dès le 6 février 2017 avait entraîné le retour du fonds de commerce dans le patrimoine de son propriétaire lequel devait assumer, dès cette date, toutes les obligations des contrats de travail, la cour d'appel a violé texte susvisé.

 

Par ces motifs, la Cour de cassation casse et annule, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 5 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence .

 

 Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 avril 2024, 22-10.261 22-10.262 22-10.263 22-10.264 22-10.265 22-10.266 22-10.267, Publié au bulletin

 

 

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