Ne résilie pas un bail commercial qui veut
Seule la justification d’un manquement imputé à la bailleresse d'une gravité suffisante justifie la résolution du bail par le locataire.
La Cour de cassation rappelle ce principe au visa de l’article 1184 du code civil s’agissant de la production d’un l’état des risques naturels et technologiques obsolète.
A titre de rappel, l’article L 125-5 du code de l’environnement, prévoit que lors de la conclusion du bail, l'état des risques est annexé au contrat de location, dans les conditions et selon les modalités prévues à l'article 3-3 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, ou aux baux commerciaux mentionnés aux articles L. 145-1 et L. 145-2 du code de commerce.
Les faits sont les suivants :
la société civile immobilière Gallieni Nanterre (la bailleresse) a donné des locaux à bail commercial à la société Pinon (la locataire), le 9 mai 2012 avec effet au 1er juin 2012.
La locataire a renoncé à cette location, sans que les parties ne parviennent à un accord.
La bailleresse a demandé la condamnation de la locataire à lui verser les loyers et charges impayées à compter du 1er juin 2012. La locataire a sollicité la résolution du bail aux torts de la bailleresse et le paiement de dommages-intérêts.
La locataire a été placée en liquidation judiciaire et la société Ml conseils a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
La bailleresse fait grief à l'arrêt de la cour d’appel (Paris, 2 février 2022) d'ordonner la résolution du bail commercial à ses torts, de la condamner en conséquence à payer à la locataire une certaine somme en restitution du dépôt de garantie et de rejeter ses demandes, alors « que seule la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que le juge en prononce la résolution. »
La cour d’appel retient, en effet, pour faire droit à la demande de la société Pinon, locataire, en résolution judiciaire du contrat de location qu'elle avait conclu, que la bailleresse la SCI Gallieni Nanterre, avait manqué à son devoir d'information en ne joignant pas au contrat un état des risques naturels et technologiques établi depuis moins de six mois avant sa conclusion.
Réponse de la Cour de cassation :
La Cour de cassation vise l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, aux termes duquel la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
Pour ordonner la résolution du bail aux torts de la bailleresse, l'arrêt de la cour d’appel de Paris retient qu'alors que la communication d'un état des risques naturels et technologiques daté de moins de six mois constitue une obligation légale d'information à la charge de la bailleresse,
seul un état des risques naturels et technologiques daté du 2 octobre 2009 a été communiqué par elle à la locataire, de sorte que celle-ci est en droit de poursuivre la résolution du contrat, sans avoir à justifier d'un quelconque préjudice.
La Cour de cassation infirme l’arrêt de la cour d’appel relevant qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si le manquement imputé à la bailleresse était d'une gravité suffisante, dans les circonstances de l'espèce, pour justifier la résiliation du contrat de location, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
La Cour de cassation casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris .
Cour de cassation, Chambre civile 3, 21 septembre 2023, 22-15.850, Inédit